L'augmentation de fréquence
des allergies : les mécanismes impliqués
Depuis plus de 20 ans,
la fréquence des allergies a tellement augmenté
qu'elles posent désormais un important problème
de Santé Publique. Il est donc logique de se
poser des questions sur les mécanismes de cette
tendance, afin d'organiser,dans la mesure du possible,des
mesures préventives.
Globalement, en 20 ans, la prévalence
de l'asthme a au moins doublé (chez les enfants
de 7 à 14 ans) et celle des rhinites allergiques
a triplé {chez les adolescents et les jeunes
adultes).
Bien que l'on ne dispose pas de chiffres
assez fiables, on estime que la fréquence de
l'allergie alimentaire aurait également doublé.
Les raisons de cette évolution
sont multiples. Les génotypes de l'atopie n'ayant
pas changé et cette forte augmentation de fréquence
ayant été constatée dans une courtepériode,
on doit d'abord invoquer des facteurs issus de notre
environnement.
Depuis plus de 20 ans, la fréquence
des maladies allergiques a tellement augmenté
que ces affections (asthme, dermatite atopique, rhinites
perannuelles et saisonnières) posent de réels
problèmes de Santé Publique. IL est donc
logique de se poser des questions sur les mécanismes
de cette évolution, afin d'imaginer une parade
aux répercussions médico-sociales induites
par ces affections aiguës ou plus souvent chroniques.
La prévalence de l'asthme a
(au moins) doublé en 15-20 ans dans la plupart
des pays industrialisés. L'étude la plus
souvent citée est celle de Burr et al. Réalisée
à Cardiff en 1973, puis 1988, elle a été
conduite selon la même méthodologie, dans
les mêmes écoles et chez des enfants du
même âge (7 ans). Chez ces enfants, la prévalence
cumulée de l'asthme est passce de 4,2 à
9,1 %, soit plus d'un doublement. Des résultats
comparables ont été enregistrés
par d'autres auteurs dans plusieurs pays différents.
Plus récemment, I'enquête épidémiologique
ISAAC (International Study of Asthma and Allergies in
Childhood) portant sur 304796 enfants de 6-7 ans (42
pays) et 46381 adolescents de 13-14 ans (56 pays) a
confirmé ces tendances à l'augmentation,
mais avec des disparités selon les pays qui peuvent
s'expliquer par des biais de diagnostic ou de recueil
des donnces . Les plus fortes prévalences sont
enregistrces dans les pays anglo-saxons
En France, la prévalence cumulée
de l'asthme varie entre 7 et 9 % chez les enfants de
6-7 ans, et entrelO-15 % chez les adolescents de 13-14
ans. A Paris, chez les jeunes adultes de 21 ans, elle
est passce de 3,3 % (en 1968) à 5,4 % (en1982),
puis 13,9 % (en 1992).
La fréquence des autres manifestations
de l'atopie a subi les mêmes variations. On estime
que 20 % de la population des Etats-Unis souffre de
rhinites allergiques. La prévalence cumulée
de la dermatite atopique est de 20 % à l'âge
de 3-4 ans, atteignant même 25 % dans certaines
études. De plus, la fréquence des allergies
alimentaires est en augmentation : estimoe à
1,8 % par Young et al., elle serait de 3,5 % pour Moneret-Vautrin
. Parmi les allergènes impliqués, l'arachide,
considérée naguère comme un allergène
d'avenir , toucherait maintenant entre 0,5 et 1 % de
la population pédiatrique . Enfin, le syndrome
d'allergies multiples semble de plus en plus fréquent
aux allergologues-pédiatres, mais des estimations
précises sont nécessaires.
En dehors de la morbidité, il
faut aussi signaler les décès imputables
à ces affections. Ainsi, la fréquence
des décès par asthme aurait doublé
dans la tranche d'âge de 5 à 34 ans, passant
de 1614 (en 1982) à 2402 (en 1986), tendance
surtout observée en Grande-Bretagne, Australie
et NouvelleZélande. Encore plus spectaculaire
est l'augmentation de *équence des anaphylaxies
et des décès par allergies alimentaires.
Les mécanismes impliqués
Les raisons de cette évolution
sont multiples. Dans la mesure où on entrevoit
que les phénotypes des maladies allergiques correspondent
à des génotypes différents, on
peut penser que l'explication de ce constat varie selon
les manifestations de l'atopie. Toutefois, des remarques
générales peuvent être formulées.
1. - Facteurs d'environnement
Les génotypes des manifestations
de l'atopie n'ayant pas changé et la forte augmentation
de prévalence ayant été constatée
dans une courte période, on doit d'abord invoquer
des facteurs issus de notre environnement.
2. - Exposition aux allergènes
de l'intérieur des maisons
L'exposition aux acariens a augmenté
dans les maisons en raison de l'augmentation de la température
(19-20° et plus), de l'hygrométrie intérieure
(plus de 60 %) et du confinement. Dans les maisons américaines,
on estime que l'air n'est renouvelé en moyenne
que 0,3 fois par jour... contre plus de 10 fois pour
les animaux de laboratoire selon la réglementation
fédérale. Chez les enfants de 13-14 ans,
l'explication des différences entre les prévalences
de villes comme Bordeaux, Toulouse ou Marseille (9 %)
et Strasbourg (7 %) pourrait résider dans les
conditions climatiques, plus chaudes et humides pour
les 3 premières villes, plus froides et plus
sèches pour la quatrième.
De fait, pour les pays nordiques, l'allergène
n° 1 dans les maisons n'est pas Dermatophagoides
pterouyssinus, mais les phanères d'animaux, chats
et chiens.
Dans plusieurs études, la précocité
et le degré d'exposition aux allergènes
seraient un facteur important. L'exposition précoce
à au moins 2 microgrammes d'antigène Der
pl des acariens par gramme de poussière de maison
entraîne des sensibilisations chez les nourrissons
. Chez les enfants sensibilisés aux acariens,
l'exposition à 10 microgrammes de Der est capable
de déclencher des crises d'asthme sévères
. Ceux de ces enfants qui bénéficient
de mesures d'éviction efficaces développent
significativement moins de crises d'asthme que ceux
qui n'en bénéficient pas.
L'augmentation de fréquence
de l'asthme résulte aussi d'une exposition accrue
aux animaux, chiens et chats (plus de 8 à 10
millions en France) et petits animaux de compagnie (lapins,
cobayes, hamsters, etc.).
3. - Exposition à la fumée
de tabac et aux autres polluants domestiques
Le tabagisme passif est un fléau
contre lequel il faut lutter. Une abondante littérature
prouve son action délétèrechez
les nourrissons et les enfants . Il peut provoquer des
crises d'asthme chez l'asthmatique connu. L'étude
de Murray et al. montre que chez les enfants atteints
de dermatite atopique le tabagisme maternel provoque
des crises d'asthme alors que ce n'est pas le cas chez
les enfants témoins. D'autres polluants domestiques
ont été incriminés (fumées
de cuisine, de cheminée, certaines modalités
de chauffage).
4. - Exposition aux aéroallergènes
de l'extérieur
La pression des aéroallergènes
de l'extérieur est forte dans certaines régions.
A titre d'exemples, on peut citer : l'augmentation des
plantations de cyprès et de thuyas, la progression
dans le sens nord-sud de l'ambroisie dans la vallée
rhodanienne, l'exposition aux moisissures atmosphériques
dans des régions humides. Au Japon, les plus
fortes prévalences de l'allergie aux pollens
de cèdre rouge sont observées dans les
zones associant une exposition pollinique et un fort
trafic autoroutier (moteurs diesel en particulier).
L'augmentation du tourisme équestre et de l'équithérapie
explique la progression de l'allergie au cheval.
5. - Pollution atmosphérique
En l'état actuel des études,
il n'est pas prouvé que les pollutions atmosphériques
puissent provoquer l'asthme (SO, SO2, NO, NO2, fumoes
noires, ozone) de navo. On sait cependant que les forts
taux de pollution provoquent des symptômes d'irritation
muqueuse (nasale, oculaire) et des crises d'asthme (ozone
et "summertime asthma").
6. - Facteurs alimentaires
Plusieurs hypothèses ont été
formulées, impliquant le régime alimentaire.
Un régime riche en acides gras oméga-3,
surtout présents dans les poissons (thon, saumon,
maquereau), aurait un effet protecteur vis-à-vis
de I'asthme.IL en serait de même pour la consommation
de vitamines A, C et E. Mais ces hypothèses restent
à confirmer.
7. - Facteurs infectieux
Les comparaisons de prévalence
des infections respiratoires et des symptômes
d'allergie entre l'ex-Allemagne de l'Est et l'ex-Allemagne
de l'Ouest ont conduit au concept selon lequel les infections
protogeraient de l'allergie. En effet, les allergies
sont plus fréquentes en Allemagne de l'Ouest
où les infections respiratoires sont moins fréquentes
qu'en Allemagne de l'Est. Inversement, la plus grande
fréquence des infections en Allemagne de 1'Est
va de pair avec une moindre prévalence des allergies
(pollinose, dermatite atopique) . Le mode de vie occidental
est incriminé à l'Ouest. La diminution
des infections respiratoires de l'enfance favoriserait
une réponse Thl préférentielle.
La prévalence des infections est inversement
corrélée à la taille de la fratrie.
Cependant, les faits sont probablement plus complexes
: certains virus (VRS) sont capables de provoquer une
réponse de type IgE; la dose infectante, sa répétition,
l'âge où les infections surviennent sont
des facteurs à mieux explorer.
7. - Cas particulier : les allergies
alimentaires
L'augmentation de fréquence
des allergies alimentaires reçoit des explications
multiples : montée en puissance de certains allergènes
(arachide, fruits exotiques, épices), internationalisation
des repas, utilisation accrue des épices (restauration
rapide), augmentation de la fréquence des allergènes
"masqués", introduction trop précoce
des aliments solides, etc.
Conclusions et perspectives
En fait, les différences de
prévalence observées dans différents
pays et l'augmentation de prévalence observée
dans les pays industrialisés n'ont pas reçu
encore d'explication satisfaisante. La plus grande prudence
est recommandée pour interpréter ces résultats
épidémiologiques car, malgré un
gros effort de standardisation (consensus), les définitions
des affections (asthme en particulier) sont parfois
sensiblement différentes selon les pays. IL faut
également pondérer cette augmentation
de fréquence en soulignant la plus grande promptitude
des patients (mieux informés) pour consulter
et des médecins pour porter les diagnostics.
Ainsi, une part de cette augmentation pourrait n'être
qu'apparente. Enfin, en particulier en matière
d'asthme du nourrisson, on ne peut éliminer une
part de "sur-diagnostic" somme toute préférable
au "sous-diagnostic" stigmatisé au
début des années 80. Ces données
épidémiologiques nouvelles font entrevoir
des possibilités de prévention primaire,
secondaire et tertiaire. Chez les nouveau-nés
à risque atopique (antécédents
d'atopie a 1 er dogré, on doit promouvoir une
prévention primaire simple (alimentation au sein
de 3 à 6 mois, abstention de tout taba gisme
anté- et postnatal, diversification retardée,
accueil dans un logement aussi dépourvu que possible
de sources d'allergènes). Enfin, il vaut mieux
identifier les facteurs protecteurs pour les utiliser
à des fms préventives.
Les mesures de prévention
à adopter face à une allergie au latex
A l'origine d'allergie
immédiate IgE dépendante ou retardée
de type IV, le latex est extrait de l'Hevea brasiliensis.
Le diagnostic d'allergie immédiate au latex implique
la recherche d'allergies alimentaires croisées
et le respect de mesures de prévention. Depuis
peu, la déclaration de maladie allergique professionnelle
au latex est possible par l'intermédiaire du
tableau n° 95.
Réactions immédiates
Une rhino-conjonctivite, une crise
d'asthme aiguë, une urticaire, un Edème
angio-neurotique ou un choc anaphylactique constituent
les symptômes rencontrés lors d'une allergie
immédiate au latex. Ces manifestations apparaissent
rapidement lors du contact par voie cutanée ou
inhalée avec cet allergène.
Multi-opérés et professions de santé
Actuellement, la fréquence de
l'allergie au latex est estimée entre 0,4 et
0,8 % dans la population générale. Elle
atteint près de 10 % pour les professions de
santé. Les interventions, les sondages urinaires
multiples constituent des facteurs de risque de l'allergie
au latex. Elle concerne près de 25 à 35
% des enfants atteints de spina bifida.
Tétine, ballon de baudruche
Certains objets de la vie courante
contiennent du latex. Leur manipulation entraîne
l'apparition des réactions immédiates.
Pour exemple, l'apparition d'un Edème labial
chez le jeune enfant lors du gonflage d'un ballon de
baudruche ou du contact avec une tétine, un bonnet
de bain ou des lunettes de plongée.
Prick-tests
La confirmation de l'allergie au latex
repose sur la pertinence entre les tests cutanés
et la clinique. Les prick-tests sont réalisés
à distance de l'épisode aigu avec l'extrait
commercial de latex ou, si possible, à travers
un gant en latex lavé après arrêt
des antihistaminiques et en l'absence de toute prescription
de bêtabloquant.
Fruits exotiques
La recherche d'allergie alimentaire
croisée par l'interrogatoire est systématique
lors du bilan allergologique. Elle est confirmée
par les tests cutanés. Elle concerne certains
fruits exotiques (la banane, le kiwi, le melon, l'avocat,
le fruit de la passion), la châtaigne et le raisin.
Conseils d'éviction
Une carte stipulant le diagnostic d'allergie
au latex et, si nécessaire, d'allergie croisoe
alimentaire est délivrée au patient ainsi
qu'une trousse d'urgence contenant un corticoïde
et de l'adrénaline injectable. Les objets de
la vie courante contenant du latex devront être
écartés. En raison de risque d'allergie
croisée avec le Ficus benjamina, cette plante
devra être retirée du domicile. L'utilisation
de gants en vinyle pour le ménage est à
préférer aux gants en latex.
Intervention et soins sans latex
L'allergie au latex doit être
signalée lors d'une consultation préanesthésique,
d'un examen gynécologique, de soins dentaires
présentant un risque de contact avec des gants
médicaux ou du matériel chirurgical contenant
du latex (certaines sondes d'intubation, plusieurs sparadraps,
étui pénien, matériel de perfusion,
alèse). Seuls les gants en PVC, vinyle ou Néoprène
peuvent être utilisés. L'intervention doit
être de préférence programmée
« en premier bloc » avec du matériel
en PVC ou en silicone.
Préservatifs
Contrairement aux allergies au latex
(très documentées) des professions de
santé, des dentistes, des multiopérés,etc.,
les réactions liées à l'utilisation
de préservatifs pour un sujet allergique au latex
sont peu répertoriées. Une étude
rétrospective parue en 1998 dans « Allergy
» signale que 84 % des sujets allergiques au latex
interrogés présentent, lors de l'utilisation
de préservatifs en latex, des réactions
locales ou systémiques telles qu'urticaire, angioÏdème
ou symptômes respiratoires. En France, il parait
raisonnable, dans l'attente d'études validées
sur l'effet hypoallergénique de certains préservatifs,
de conseiller, en cas d'allergie au latex, l'utilisation
à visée contraceptive du préservatif
féminin en polyuréthane.
Eczéma de contact
L'allergie retardée de type
IV au latex se manifeste sous la forme d'un eczéma
de contact. Son diagnostic est apporté par la
pratique de tests épi cutanés
Allergie au latex : attention
à la nourriture manipulée par des gants
en latex !
Et si certaines allergies
dites alimentaires étaient liées non pas
à l'aliment lui-même, mais à une
contamination de cet aliment lors de sa manipulation
à l'aide de gants en latex ? Une observation
publiée dans le « New England Journal of
Medicine » soulève le problème de
façon nette.
Depuis1985, date à laquelle
on utilise couramment des gants en latex pour effectuer
des soins, entre 5 et 10 % des soignants sont allergiques
au latex. Dans ce cadre, I'observation rapportée
par une équipe de Boston dans le « New
England Journal of Medicine » est digne d'intérêt.
L'histoire est celle d'une parodontiste
de 46 ans qui, cinq ans après avoir commencé
à utiliser des gants en latex pour travailler,
développe des manifestations variées d'intolérance
au latex : dermatose, congestion nasale etasthme. Son
allergie est confirmée par des tests. Un jour,
dans le cadre d'un bilan de stérilité,
elle subit une échographie endovaginale avec
une sonde contaminée par le latex; le résultat
ne tarde pas : démangeaisons vaginales et abdominales,
wheezing, dyspnée, hypotension.
Elle décide de ne plus utiliser
de latex à son cabinet, et son état s'améliore.
Restaurants et vendeurs gantés
Mais, dans les sept ans qui suivent,
elle remarque un fait troublant : alors qu'elle développe
des réactions allergiques lorsqu'elle prend un
repas au restaurant ou lorsqu'elle mange des produits
qu'elle achète au marché, mais qui sont
manipu lés par les vendeurs à l'aide de
gants en latex, en revanche, elle n'a aucune réaction
avec les mêmes aliments quand ils n'ont pas été
au contact avec du latex. Donc, on ne peut pas dire
qu'elle est allergique à ces aliments.
En revanche, tout se passe comme si
elle avait des réactions au latex qui a contaminé
les aliments. On lui fait donc subir, avec son consentement,
une épreuve simple en deux temps, cela en double
aveugle. Premier temps : on lui fait boire du jus d'orange
que l'on a agité avec un gant en latex.
Résultat : trente-cinq minutes
plus tard apparaissent un wheezing, une sensation de
striction dans la poitrine et un flush au niveau de
la figure et des lèvres; on doit lui administrer
de la prométhazine et de la prednisone pour obtenir
la régression des symptômes, qui ne se
reproduisent pas. Second temps : on lui fait boire un
autre jus d'orange, mais sans l'avoir remué avec
un gant en latex; résultat : aucune manifestation
allergique. « Cette patiente n'est probablement
pas un~que », font remarquer les auteurs, qui
rappellent une étude troublante de Kim et Hussain,
récemment publiée (« A1lergy Asthma
Proc », 1999; 20 : 95-97)) : des allergies alimentaires
avaient été diagnostiquées chez
de nombreux sujets allergiques au latex sur la base
de manifestations survenues après ingestion d'aliments,
mais les tests avaient été négatifs.
Un problème non reconnu chez les professionnels
de l'alimentation
« Certains de ces patients pouvaient
avoir une réaction à une contamination
par le latex plutôt qu'à l'aliment lui-même
», avancent les auteurs, qui ajoutent : «
Bien que certains aliments aient une réaction
croisée avec le latex, une réaction croisée
n'est probablement pas la cause de la plupart des réactions
rapportées. » Jusqu'à présent,
on n'a pas reconnu comme un problème la notion
de sensibilisation au latex chez les personnes qui manipulent
des aliments avec des gants en latex. Peut-être
parce qu'ils utilisent des gants moins souvent que les
soignants, parce qu'ils changent de gants moins souvent
et parce que la surface poudrée du gant est humidifiée
par les aliments. « Néanmoins, I'élimination
des gants en latex, qui est en cours chez les soignants,
devrait être étendue aux professions qui
manipulent les aliments, pour protéger les consommateurs
sensibilisés par d'autres voies », concluent
les auteurs.
La prévalence de l'atopie
Nombre de travaux épidémiologiques
montrent l'augmentation de la prévalence des
maladies allergiques chez l'enfant : eczéma,
asthme et rhume des foins ont ainsi doublé en
Ecosse entre1964 et 1969 (Aberdeen), la reproductibilité
des outils d'évaluation écartant toute
idée de biais méthodologique, par exemple
lié à une meilleure (re)connaissance des
pathologies.
Australie, Irlande, Royaume-Uni et
Nouvelle-Zélande sont les pays où cette
prévalence est actuellement la plus importante,
tandis que Chine, Indonésie, Grèce et
Russie semblent épargnées (étude
ISAAC). L'enquête longitudinale allemande MAS
(Multicenter allergy study) suit depuis 1990 une cohorte
de 7609 enfants : le suivi séquentiel biologique
montre la prépondérance des sensibilisations
vis-à-vis des protéines du lait de vache
et de L’œuf jusqu'à l'âge de
deux ans, allergènes ensuite supplantés
par le soja et le blé. A six ans, 20 % de cette
population est sensibilisée aux pollens des graminées.
Enfin, la sensibilisation aux allergènes domestiques,
qui augmente également jusqu'à l'âge
de six ans, apparaît, pour une raison mal comprise,
plus importante dans le Nord du pays.
Un lien entre présence d'allergènes
domestiques et niveau de sensibilisation ultérieure
a été démontré : l'exposition
précoce et massive aux acariens de la poussière
de maison est un facteur de risque manifeste. L'autre
facteur pronostique est génétique, l'existence
d'antécédents familiaux d'atopie majorant
le risque de sensibilisation pour un même niveau
d'exposition initiale. Cependant, le caractère
polygénique de ces affections rend impossible,
pour l'instant, tout conseil génétique
efficient.
Enfin, l'exposition aux irritants de
l'environnement, et d'abord au tabac, majore le risque
de sensibilisation aux allergènes domestiques
et aux allergènes alimentaires : ce risque accru,
objectivé dans les populations à risque
(mère tabagique) par le dosage urinaire de la
nicotine persiste jusqu'à l'âge de la marche.
Conseils aux parents
1. Il existe un risque d'allergie chez
un enfant issu de parents ayant euxmêmes une affection
allergique (asthme, allergie alimentaire (eczéma),
rMume des foins): 15-20 % (aucun parent n'est allergique),
30-40 % (l'un des deux parents est allergique), 50-60%
(les deux parents sont allergiques), 80 % (les deux
parents ont la même allergie).
2. Le risque d'allergie alimentaire est multiplié
par 3 chez les personnes allergiques aux pollens:
les premiers symptômes sont un picotement des
lèvres et de la bouche à la consommation
du fruit (syndrome oral).
3. Le risque d'allergie alimentaire est important chez
les allergiques au latex (avocat, kiwi, banane, melon,
châtaigne, raisin, figue, etc.). Inversement,
I'allergie au latex est 5 à 10 fois plus fréquente
chez les allergiques à ces fruits par rapport
à la population générale.
4. Il ne faut pas toujours penser à une allergie
alimentaire au cours d'une urticaire aigue. Chez un
jeune enfant fébrile, une poussée d'urticaire
est beaucoup plus souvent due au virus responsable de
la fièvre, ou à la fièvre elle-même,
qu'à une hypothétique allergie alimentaire.
Mais consultez votre pédiatre.
5. Certains aliments contiennent des substances comme
l'histamine (ou en font produire) à l'exclusion
de toute allergie alimentaire (charcuterie, fromages
fermentés, choucroute, tomate, poissons séchés).
Ces substances ingérées produisent alors
des symptômes qui ressemblent à ceux de
l'allergie alimentaire. Consultez votre pédiatre
pour des conseils diététiques.
6. Au cours des allergies alimentaires, l'existence
d'un asthme constitue un facteur de risque d'allergie
alimentaire grave si l'aliment en cause est consommé
par inadvertance. Il faut que le traitement de fond
de l'asthme soit adapté et bien suivi pour limiter
ce facteur de risque. Consultez votre pédiatre.
7. Il ne faut pas appliquer des pommades pouvant
contenir des protéines végétales
sur la peau d'un enfant atteint d'eczéma.
On lui fait courir un risque de sensibilisation à
ces aliments (amande, noix exotiques, sésame,
etc.). Consultez votre pédiatre.
8. Les patients allergiques peuvent avoir des symptômes
d'allergie alimentaire en touchant des aliments ou en
inhalant des vapeurs d'allergènes au cours de
la manipulation ou de la cuisson des produits (poisson,
uf, lait, sarrasin, lentilles, etc.).
9. Pour diminuer les risques d'allergie alimentaire
chez le nourrisson à risque d'allergie (un ou
plusieurs parents allergiques), il faut recommander
un allaitement exclusif pendant au moins 4 mois et effectuer
une diversification alimentaire prudente et progressive.
Une diversification précoce avant 4-5 mois n'a
aucun intérêt nutritionnel.
10. Tous les aliments sont potentiellement allergisants,
mais ceux qui le sont le plus sont, en particulier,
la cacahuète, les fruits à coque, les
fruits exotiques, le poisson, les fruits de mer, l'uf,
le sésame (etc.).
11. Il n'existe aucun intérêt diététique
à donner des jus de fruits chez le nourrisson
de moins de 4 mois. Il faut se méfier des
petits pots contenant des fruits exotiques ou des jus
de fruits mélangés.
12. S'il existe des allergies dans la famille (mère,
père, frères et surs), il n'est
pas recommandé de proposer des régimes
restrictifs à la mère pendant la grossesse
et l'allaitement. Il existe un consensus pour recommander
de s'abstenir de consommer des cacahuètes et
des fruits secs à coque. Sinon le régime
doit être équilibré.
13. Les mesures générales de prévention
de l'allergie sont indispensables: éviter
l'exposition au tabac, y compris pendant la grossesse,
réduire l'exposition précoce aux allergènes
(acariens, animaux à poils, blattes), éviter
les habitats humides, éviter les polluants.
Un régime alimentaire
est-il nécessaire chez un allergique connu?
Les "médecines alternatives" sont très
utilisées au cours des allergies et de l'asthme.
Une étude récente montre qu'elles ont
un coût considérable... pour des effets
plus qu'hypothétiques (1).
Une revue générale très documentée
de Ziment et Tashkin (2) sur les "médecines
complémentaires et alternatives " (MCA)
recense 13 catégories de "thérapies".
En voici la liste:
En fait, cette compilation met presque sur le même
plan des traite-
ments très importants (immunothérapie
spécifique), utiles (climatothérapie d'altitude)
et d'autres qui, a priori, le sont moins (aromatothérapie,
naturopathie, etc.). En l'état actuel de nos connaissances, l'élimination
systématique des additifs, des aliments manufacturés,
du sel... et l'adjonction de magnésium, de sélénium,
de jus de fruits frais, de fruits et de végétaux,
de vitamine C, de café, de thé, d'épices
très relevés (etc.) n'ont pas fait la
preuve de leur efficacité.
Conclusion pratique chez un enfant allergique: aucun
régime spécial n'est nécessaire
sauf cas particulier d'allergie documentée. L'allergique
doit boire de l'eau (et non des boissons sucrées)
et consommer des aliments diversifiés, tout en
effectuant une activité physique variée.
Telles sont les règles simples à observer
qui relèvent de l'éducation sanitaire
de base.
La prévention de l'allergie
alimentaire
La prévention des allergies alimentaires, difficile
à dissocier de la prévention générale
des allergies, se heurte à la nature multifactorielle
de ces affections. Deux types d'intervention sont possibles:
diminuer l'impact des facleurs favorisants ou augmenter
l'impact des facteurs "protecteurs".
Les mesures préventives concernent avant tout
les nourrissons à risque allergique, mais pourraient
tout aussi bien s'appliquer à l'ensemble des
enfants:
- éviter le tabagisme durant la grossesse et
aprés la naissance;
- allaitement maternel exclusif ? Les
effets protecteurs de
l'alimentation au sein sont sujets à beaucoup
de controverses. Une méta-analyse récente
confimme le bénéfice de l'allaitement
matemel, mais celui-ci doit être poursuivi au
moins quatre mois.
- à défaut, utiliser
un lait hypoallergénique (dit HA);
- s'abstenir de toute consommation de cacahuètes,
de fruits secs à coque, de fruits exotiques pendant
la grossesse et l'allaitement;
- diversification alimentaire retardée et trés
progressive (pas d'uf, ni de poisson avant l'âge
de 12 mois);
- ne pas donner d'aliments solides avant l'âge
de 6 mois;
- ne pas introduire de fruits exotiques
dans l'alimentation avant
l'âge de 4-5 ans;
- pas de cacahuète avant l'âge de 5 ans;
- éviter tout médicament ou pommade contenant
de l'arachide ou des fruits à coque (produits
à base d'huile d'amande douce ou de noix de coco...)
chez le nouveau-né et le nourrisson.
Le fait de retarder la diversification alimentaire semble
prépondérant. Cela réduit la fréquence
de la dermatite atopique, elle-même très
souvent associée à une sensibilisation
ou une allergie à l'arachide. De plus, la diversification
précoce n'a aucune justification diététique.
Une autre voie de recherche en développement
concerne les probiotiques, des bactéries qui
ont des effets intéressants sur
l'immunité et qui pourraient favoriser la flore
intestinale protectrice chez les nouveau-nés
à risque.
Les allergies alimentaires
deviennent un réel problème de santé
publique
L'allergie alimentaire
correspond à l'ensemble des symptômes reproductibles
liés à des réactions immunologiques
de type immédiat, semi-retardé ou retardé,
survenant après l'ingestion d'un aliment spécifique
et/ou d'un additif, par exemple les sulfates comme conservateurs.
Plusieurs facteurs concourent à
l'augmentation de la fréquence des allergies
alimentaires qui, aujourd'hui, deviennent un réel
problème de santé publique : les modifications
des habitudes alimentaires, consommation accrue et répétitive
d'aliments allergisants (lait, yaourts et aliments lactés
par les enfants), internationalisation des menus, les
modifications des techniques dans les industries agroalimentaires...
cette évolution s'inscrivant dans le cadre d'un
accroissement de fréquence des différentes
formes d'atopie (asthme, rhinite allergique, eczéma...).
Le risque d'allergie alimentaire est plus élevé
chez un sujet qui a des antécédents familiaux
et/ou personnels d'atopie, mais d'autres facteurs entrent
également en jeu (une diminution des défenses
immunitaires au niveau intestinal, des diarrhées
infectieuses fréquentes chez un nourrisson, une
amibiase intestinale chez l'adulte, un alcoolisme...)
par des mécanismes qui interviennent sur les
lymphocytes T suppresseurs.
L'allergie alimentaire se manifeste
soit sous forme aiguë de type choc anaphylactique,
parfois suraigu et donc mortel en l'absence de traitement
immédiat, soit sous forme chronique, par des
signes digestifs (nausées, vomissements, diarrhées)
et extra-digestifs.
Les aliments en cause sont très
nombreux, ils varient selon les pays et à l'intérieur
du même pays selon les habitudes régionales
et les origines ethniques.
Aux Etats-Unis, l'arachide est l'aliment
le plus fréquemment en cause; au Japon c'est
le riz; en Italie le blé; en France, le lait,
les Boeufs et le blé sont globalement les aliments
le plus souvent responsables d'allergies alimentaires,
mais, bien entendu, il existe des allergies alimentaires
provoquées par la consommation de viande de porc,
de poissons, de crustacés, de gibier...
Des habitudes à préciser
Le diagnostic repose sur la clinique
: l'interrogatoire permet de découvrir un terrain
atopique et, en cas de pollinose, d'évoquer une
éventuelle allergie croisée (pollen de
bouleau et pomme, pollen d'armoise et céleri,
pollen de graminées et farine de blé...),
de faire préciser les habitudes alimentaires,
de rechercher : les aliments très fréquemment
consommés.
Les données recueillies orientent
le bilan allergologique, c'est-à-dire les tests
cutanés réalisés selon la méthode
du pricktest en utilisant le plus souvent des allergènes
natifs et le dosage d'IgE spécifiques, dont le
taux est corrélé aux tests cutanés,
mais également à l'extension des lésions.
Au terme de cette première étape,
si le diagnostic n'est pas confirmé, deux types
d'épreuves doivent être mises en oeuvre
:
- l'épreuve d'éviction
et de réintroduction très progressive
de l'aliment ou des aliments suspectés;
- le test de provocation, ou test réaliste,
couplé au dosage séquentiel des médiateurs
: histamine plasmatique, tryptase, histamine urinaire.
En pratique, l'éviction alimentaire
est la seule mesure efficace chaque fois que l'aliment
n'est pas nécessaire à la nutrition.
Pollens et moisissures :
une analyse comptable
Le Réseau national
de surveillance aéroblologique (RNSA) a pour
mission de réunir les informations sur le risque
allergique associé aux pollens et aux moisissures
à partir de capteurs répartis sur tout
le territoire français, et d'établir des
bulletins permettant de définir des mesures d'alerte,
de prévention et de prescription.
Une quarantaine de capteurs de pollens
et de moisissures sont réparties en France dans
des zones urbaines, à l'extérieur des
habitations. Ces capteurs aspirent l'air environnant
et le projettent sur une bande adhésive; l'ensemble
des particules contenues dans cet air aspiré
sont ainsi compactées sur cette bande dont la
lecture est quotidienne. Les capteurs sont changés
chaque semaine.
Des informations cliniques sont également
recueillies sur chaque site grâce à un
médecin Sentinelle, toujours un allergologue,
qui dispose d'un réseau de correspondants, médecins
généralistes et spécialistes.
Chaque semaine, ces médecins
remplissent un questionnaire qui permet d'évaluer
le risque allergique sur le site. « Cela permet
de mesurer la prévalence de tel ou tel symptôme
à une période donnée, explique
Michel Thibaudon, directeur du RNSA. Y a-t-il eu plus
de rhinites ? Ou de conjonctivites ? La toux est-elle
fréquente ? L'évaluation du niveau de
traitement mis en oeuvre est également noté.
Les médecins ont-ils prescrit seulement des anti7õistaminiques
ou ont-ils dû avoir recours aux corticoïdes
? Ces considérations permettent de quantifier
le niveau de gravité de la pathologie rencontrée.
»
Les trois saisons polliniques
Toutes les informations émanant
des capteurs et des médecins sont collectées
par le RNSA, qui établit des bulletins allergo-polliniques.
Ils précisent les pollens en cause et le risque
associé à ces pollens et à ces
moisissures. Le cumul des données et de la météorologie
va permettre de prédire le risque à venir.
Les bulletins sont communiqués à tous
les membres du réseau (une centaine dans toute
la France), aux DASS et aux DRASS, à l'Institut
de veille sanitaire et sur le site Web (rnsa.asso.fr).
Le risque pollinique est associé
aux trois grandes saisons des pollens : la saison des
arbres, de janvier jusqu'à la fin mai; la saison
des graminées, de début mai jusqu'à
fin juillet; la saison des herbacés, de juillet
à fin septembre. Les cyprès étant
des arbres très allergisants, « on pourrait
donc dire, expliqùe Michel Thibaudon, que le
risque est maximal sur le pourtour méditerranéen,
mais ilfaut savoir que les pollens voyagent sur des
dizaines, voire des centaines de kilomètres ».
Les informations étant transmises
par l'intermédiaire des bulletins, des mesures
peuvent être prises. Au niveau préventif
en informant les patients, et au niveau des prescriptions
afin de mettre en route ou de poursuivre les traitements
symptomatiques. « Un exemple, souligne Michèl
Thibaudon : il peut être très utile de
prévenir les pédiatres que telle période
est celle des rhinites allergiques plutôt que
celle des rhinites infectieuses. Et donc que la prescription
d'antibistaminiques sera plus efficace que celle d'antibiotiques.
»
Toute la végétation est
couverte de moisissures et l'émission de spores
est extrêmement abondante. Il existe une très
grande diversité de moisissures, mais elles ont
été beaucoup moins étudiées
que les pollens; or certaines sont très allergisantes.
Deux pics pour les moisissures
Deux pics sont à signaler :
le premier à partir du 15 juin jusqu'à
fin juillet, et le second du 15 septembre au début
de novembre. Les manifestations cliniques des moisissures
étant relativement proches des manifestations
polliniques, les médecins ont une certaine tendance
à les associer à une pollinose, et ce
d'autant plus qu'ils ne possèdent pas une batterie
de tests équivalente à celle des pollens.
Les régions humides sont théoriquement
plus touchées que les régions sèches,
mais ici encore le vent est très propice au déplacement.
Tout ce qui concerne les moisissures suit exactement
le même circuit que pour les pollens; capteurs,
médecins sentinelles, RNSA, bulletin, mesures
d'alerte.
La chambre anti-acariens idéale
Pour limiter le nombre
d'acariens dans une chambre, il faut : un sommier à
lattes, un matelas entouré d'une housse antiacariens,
un oreiller et une couette, soit entourés d'une
housse antiacariens, soit en synthétique et lavés
très fréquemment, car il y a un effet
mécanique du lavage qui enlève les allergènes.
Tous les lavages doivent être
faits à la température le plus élevée
possible, y compris pour les peluches des enfants qui
doivent être lavées tous les trois mois.
Pour le sol, deux solutions : quand la moquette est
peu infestée par les acariens, on la traite au
benzoste de benzyle ou à l'acide tannique. En
revanche, si elle est très infestée, il
faut la retirer. Dans un tiers des cas, la moquette
n'est pas infestée par les acariens. La recherche
des acariens dans la moquette se fait très facilement
à l'aide d'une bandelette réactive trempée
dans la poussière (récupérée
dans I'aspirateur). Cet Acahextest est vendu dans toutes
les pharmacies et validé contre le test ELISA
(test de rétérence).
*GPSR : Groupement
des Pédiatres Strasbourgeois exerçant la Réanimation
Unité de Néo-Natalogie - Clinique Sainte Anne