Le prion bovin des farines animales
est inactivé par la chaleur ? Faux
Dans la plupart
des pays européens, la législation impose
seulement le chauffage à 133 °C des farines
animales contenant des carcasses bovines. Or le prion
bovin n'est même pas inactivé Par chauffage
à 138 °C pendant une heure in vitro. Ces
mesures sont donc insuffisantes. Seule la France a interdit
l'utilisation de toute carcasse dans la fabrication
des farines destinées aux bovins. Encore faut-il
veiller au respect strict de la mesure. L'embargo à
l'encontre du cheptel anglais et des farines dérivées
date de 1996. Comme la période d'incubation moyenne
chez animal est de cinq ans, il faudra attendre au moins
2001 pour apprécier l'efficacité de ces
mesures. Une crainte : que les 10 cas anglais de nv-MCJ
recensés au dernier trimestre 1998 marquent le
début d'une seconde épidémie.
L'épidémie d'ESB a commencé
en 1993. Le premier cas humain date de 1996. A ce jour,
40 cas humains de la nouvelle variante de la maladie
de Creutzfeldt-JaLob (nv-MCJ) ont été
recensés en Grande-Bretagne, et un en France.
Plusieurs arguments expérimentaux ont fait attribuer
à une forme mutée de la protéine-prion
bovine PrPsc, transmise par la consommation d'animaux
atteints d,ESB, la responsabilité de la nv-MCJ.
Mais la démonstration absolue n'en a pas été
apportée. Une origine virale, ou bactérienne,
a aussi été évoquée. Le
délai moyen d'incubation chez les malades est
jusqu'à présent de neuf ans (de vingt
mois à plus de onze ans), mais pourrait être
beaucoup plus long.
Maltraitance : 82.000 enfants
en danger
Le nombre des
enfants maltraités au sein de l'enfance en danger
semble aujourd'hui se stabiliser (21000). C'est ce qu'annonce
la dernière enquête de l'ODAS (Observatoire
national de l'action sociale décentralisée).
En revanche, le nombre des enfants à risque augmente
: plus de 8 000/an. Aujourd'hui, en France, 82 000 enfants
sont en danger de maltraitance. Ce chiffre englobe les
enfants en risque et les enfants maltraités.
Les transmissions de signalements à l'autorité
judiciaire continuent de croître. Pour l'année
199 7 1'augmentation concerne essentiellement les enfants
en risque. 47 % d'entre eux faisaient l'objet d'un signalement
judiciaire. La loi du 10 juillet 1989 précise
que lorsque l'enfant est maltraité ou lorsque
la famille refuse l'aide proposée, le président
du Conseil général doit aviser sans délai
l'autorité judiciaire.
Les signaux d'alerte
Selon la nature, la gravité et la fréquence
du traumatisme, les enfants développent généralement
des symptômes neuropsychiatriques réunis
sous le terme de troubles du stress traumatique. Le
diagnostic clinique des situations de maltraitance est
particulièrement difficile à établir
dans certains cas, et en particulier dans les situations
où rien ne laisse présager sérieusement
qu'il y a maltraitance, mais dans lesquelles le risque
est théoriquement grand.
" Les parents abordent souvent
le problème eux-mêmes sous forme de dénégation,
déclare le Dr Didier David. Ils savent parfaitement
pourquoi ils viennent consulter et préparent
tous les arguments pour qu'on n'ait pas le moindre doute.
Ils diront : " À l'école, on nous
accuse de... " ou " Ne croyez pas qu'on maltraite
notre enfant." Si, en revanche, I'enfant présente
des symptômes évocateurs de violence physique
(hématomes, brûlures...), le médecin
doit demander l'hospitalisation de l'enfant et veiller
à ce qu'elle ait lieu. Hospitaliser l'enfant
permet de le mettre à l'abri en attendant que
la preuve soit faite.
Face à la suspicion d'une situation
de maltraitance, c'est généralement une
équipe qui prend en charge le suivi. Le médecin
doit rompre le secret professionnel et alerter les autorités
judiciaires. Ce travail de liaison entre le médecin,
le pédopsychiatre, les assistantes sociales et
l'école est fondamental pour assurer la protection
optimale de l'enfant. Les cas de maltraitance psychologique
(humiliation, négligence affective...) présentent
plus de difficultés à être décelés
et, par conséquent, le processus de protection
de l'enfant est difficile à enclencher.
Fragilité parentale
Les cas de maltraitance peuvent survenir dans n'importe
quelle famille. Cependant, I'observation épidémiologique
a permis d'établir le profil type de la famille
maltraitante de l'enfant de 0 à 2 ans : il s'agit
d'un couple jeune ou d'une personne seule et jeune,
souffrant d'isolement social et intellectuel. Plusieurs
événements doivent servir de clignotants
car ils peuvent précipiter ce type de situation.
Il s'agit de la perte d'emploi, d'un divorce...
Les 2 axes de prévention
selon l'ODAS
1. une prévention en direction des populations
déjà ciblées : les 61 000 enfants
en risque. C'est le travail quotidien des assistantes
sociales, des éducateurs, des conseillers en
économie sociale et familiale, des puéricultrices,
des travailleuses familiales, qui, protègent
le devenir des enfants à travers un soutien à
la "parentalité",
2. Une prévention plus large,
plus innovante, qui s'adresse à l'ensemble des
familles susceptibles de traverser des moments de fragilité.
Cette prévention très en amont devrait
engager toutes les solidarités de proximité.
Le 119 : 2 millions d'appels par an
204 000 appels traités. L'affichage de ce numéro
vert est obligatoire dans tous les lieux recevant des
mineurs.
Entretien avec le Dr Didier David,
pédopsychiatre, hôpital Saint-Vincent de
Paul, Paris, octobre 1999
Pour une reconnaissance des "surdoués"
Etre éveillé,
curieux de tout, vif et rapide à 4 ans et replié
sur son échec à 12 ans : l'Association
nationale pour les enfants intellectuellement précoces
(ANPEIP) lance un cri d'alarme sur " le drame que
vivent nombre d'enfants particulièrement intelligents
au départ ".
L'ECOLE et la société
françaises doivent reconnaître les enfants
intellectuellement précoces, encore appelés
" surdoués " ou " à haut
potentiel ", au lieu de les nier ou de tenter de
les " normaliser " : c'est le plaidoyer de
l'ANPEIP, qui organise les 28 et 29 avril 2000 à
Lille un congrès international (Espagnols, Italiens,
Portugais; écossais) destiné à
analyser la question et à présenter les
rares structures prenant ces enfants en charge*. L'association,
fondée en 1971, regroupe parents, éducateurs,
médecins et psychologues.
Appelée à l'origine Association
nationale pour les enfants surdoués (APSES),
elle a changé de nom en raison de la " connotation
négative " du mot, mais ne se satisfait
pas non plus du terme " précoce ".
Ces enfants, dit son président, Pierre Paoletti,
sont tout simplement " très intelligents
", avec un QI dépassant généralement
les 125, mais ils sont aussi " très fragiles
" et on les " casse trop souvent ".
Des enfants qui dérangent
Pierre Paoletti ainsi que des pédiatres et des
psychologues, présentant le congrès lors
d'une conférence de presse, parlent de "
zone sinistrée ". " La société
française et surtout son école reconnaissent
mal ce qui sort du "standard". Ces enfants
dérangent et tout est fait, dès le départ
de la scolarité, pour nier leur différence
ou les normaliser ", disent-ils.
"Ils se retrouvent souvent en
échec, se renferment sur eux-mêmes, se
réfugient - surtout maintenant - dans un monde
virtuel, créant une société parallèle
inquiétante, ou alors ils mettent toute leur
intelligence dans la révolte", ajoutent-ils.
"Parfois, ils sont reconnus comme différents
des autres, expliquent-ils, mais souvent, on estime
qu'ils sont anormalement turbulents ou, au contraire,
trop raisonneurs.
Quand ils arrivent à l'école,
les enseignants ne reconnaissent pas leurs dons, mais
imaginent que les parents poussent trop leurs enfants
et ils les culpabilisent. Parfois aussi, on prétexte
d'une motricité qui ne suit pas la précocité
intellectuelle pour les bloquer et les empêcher
d'apprendre. Ainsi, nombre de ces enfants s'ennuient
à l'école et finissent par décrocher."
L'ANPEIP estime que les enfants de
milieu culturellement favorisé peuvent s'en sortir,
mais que ceux de milieu culturellement simple sont voués
à l'exclusion, et déclare qu'un tiers
des enfants surdoués au départ ne décrochent
même pas le bac et que 80 % d'entre eux sont,
à l'adolescence, en conflit avec l'école
ou la famille. 10 % sont suicidaires, ajoute-t-elle.
L'association demande que l'enseignement
public reconnaisse et accompagne la scolarité
de ces enfants. Ils sont environ 700 000 en France,
5 % du total, un ou deux par classe. IL faudrait que
l'enseignement les prenne en charge, soit dans les classes
ordinaires, soit grâce à des expériences
pilotes. L'ANPEIP s'adresse aux décideurs, en
appelant à " une volonté politique
" en la matière.
Les experts laissent dormir les
adolescents (avril 2001)
Un groupe d'experts de l'luserm (Institut
national de la recherche médicale) publie en
avril 2001 un ensemble de recommandations sur les interactions
entre d'éventuels aménagements du temps
scolaire et les rythmes biologiques propres aux enfants.
Ils se disent peu favorables à la généralisation
de la semaine de .Quatre jours (mercredi et samedi libres),
tant que manqueront des bases scientifiques suffisantes.
Mais, sans attendre, ils préconisent de tenir
compte des besoins et rythmes des enfants et des adolescents
pour planifier le temps scolaire. L'exemple qu'ils donnent
ne devrait pas déplaire aux collégiens
et Iycéens : "Retarder I'heure d'entrée
en classe des adolescents qui ont une tendance naturelle,
normale, aux levers plus tardifs"
A la demande de la Canam (Caisse nationale
d'assurance maladie des professions indépendantes),
l'Inserm a effectué un bilan des connaissances
sur Ies rythmes biologiques de l'enfant, la question
étant d'appréhender les interactions entre
les emplois du temps scolaires et les horloges internes.
Avec bien sûr en arrière-plan le problème
de plus en plus souvent débattu des aménagements
éventuels du temps scolaire, quotidien, hebdomadaire
ou annuel. Les experts se sont demandé comment
ces changements risquent d'interférer sur les
rythmes biologiques des enfants, et avoir des conséquences
négatives tant sur leur état de santé
que sur leurs apprentissages.
L'lnserm a confié la mission
à des médecins et chercheurs de plusieurs
disciplines : après une analyse critique de la
littérature scientifique publiée récemment
sur le sujet (600 articles), les experts ont fourni
un document (1).
Les rythmes biologiques sont présents
dans le règne animal et végétal,
à tous les stades d'organisation y compris chez
les êtres unicellulaires. Et donc aussi chez les
humains, adultes et enfants, qui sont soumis à
des variations rythmiques de très nombreuses
fonctions physiologiques. Les rythmes les mieux étudiés
sont ceux dont la période s'étend sur
environ 24 heures (circadiens). Les rythmes biologiques
sont sous le contrôle de l'horloge interne, une
structure située dans le cerveau et qui doit
s'ajuster quotidiennement aux alternances jour/nuit.
Le rythme veille-sommeil synchronisé
est un des facteurs essentiels de la régulation
des rythmes biologiques. Il évolue sans cesse
de la période fétale à l'adolescence.
Et par ailleurs, il existe une grande variabilité
à tous les âges selon les individus : petits
et gros dormeurs, enfants du matin et du soir.
Les experts préconisent de faciliter
l'accès à la sieste chez les petits (2
à 5 ans), en ne la limitant pas à la petite
section de maternelle. Ils rappellent que les enfants
doivent avoir leur content de sommeil (9 heures à
10 ans) et des horaires réguliers de coucher
et de lever.
A partir de 12 ans, on observe des
modifications importantes de la structure du sommeil,
qui devient plus léger. Il existe chez l'adolescent
des besoins de sommeil plus importants que chez le pré-adolescent,
sans doute du fait des modifications biologiques de
la puberté. Les caractéristiques du sommeil
à cet âge ont fait l'objet de nombreuses
études et les données réunies conduisent
les experts à conseiller de retarder l'heure
d'entrée en classe : pas de cours avant 9 heures.
L'activité intellectuelle des enfants (performances,
vigilance) fluctue au cours de la journée et
aussi au cours de la semaine. Les variations sur les
24 heures sont attribuées aux rythmes biologiques,
celles sur les sept jours à l'influence de l'emploi
du temps scolaire. Globalement, les créneaux
les plus favorables sont la fin de la matinée
et le milieu de l'après-midi, mais il existe
toutefois des différences en fonction de l'âge
des enfants, et donc de la classe. Cette recommandation
est encore plus importante à respecter dans les
ZEP (zones d'éducation prioritaire), où
les difficultés scolaires sont par définition
fréquentes. Il semble, en effet, que plus le
niveau de réussite des élèves aux
exercices scolaires est élevé, moins leurs
résultats varient au cours de la journée
et de la semaine. A contrario, lorsque le niveau scolaire
est bas, les performances sont plus influencées
par la rythmicité de la vigilance.
Les rythmes hebdomadaires ont été
moins étudiés. Il semble qu'au cours de
la semaine d'école traditionnelle (quatre jours
et demi, mercredi et samedi matin libres), le lundi
soit " le " mauvais jour, la coupure du week-end
ayant des suites négatives le lendemain. Quant
à la semaine de quatre jours (4 jours de 6 heures
ou de 6 heures et demie), elle apparaît perturbante
pour les processus de mémorisation dans certaines
études. D'autres études trouvent de meilleurs
résultats après un arrêt de fin
de semaine d'un jour et demi, d'autres un meilleur niveau
global d'attention après une coupure de deux
jours. Autrement dit, tout et son contraire. Par rapport
à l'enjeu spécifique de la semaine de
quatre jours, aucun résultat ne plaide en faveur
d'une telle organisation du temps scolaire. " Du
moins si on s'en tient aux effets sur la santé
de l'enfant et sur sa scolarité. Le point de
vue des maîtres et des parents étant une
autre affaire.
(1) Rythmes de l'enfant. De l'horloge
biologique aux rythmes scolaires. éditions Inserm
Nos enfants, les TWIN TOWERS
et la guerre (janvier 2002)
Dans ce texte, les termes " enfants
", " mineurs d'âge " ou " jeunes
" utilisés sans autre spécification
désignent tous les mineurs. Lorsque des spécifications
seront nécessaires, nous emploierons les termes
" enfants d'âge préscolaire " (avant
l'école primaire), enfants jeunes (avant sept-huit
ans), enfants pré pubères et adolescents
(à partir de 13-14 ans).
Les gravissimes agressions terroristes
du 11 septembre 2001 contre les États-Unis, l'agitation
de l'opinion publique et les représailles qui
en ont suivi n'ont évidemment pas laissé
indifférente la majorité des enfants.
Beaucoup, surtout avant la puberté,
ont développé un état de stress
aigu, en train de se résorber, mais que certains
épisodes les plus violents des représailles
pourraient réveiller et aggraver. D'autres, moins
nombreux et peut-être déjà prédisposés,
souffrent d'un syndrome de stress post traumatique plus
tenace, parce qu'ils ne trouvent pas de solutions, ni
mentales, ni
comportementales qu'ils estiment significativement efficaces
par rapport à leur insécurité persistante.
Pour certains de ces enfants, les plus
socialisés, les plus sensibles, une véritable
tristesse a pu s'adjoindre à leur état
d'insécurité, au moins momentanément
: ils se sont sentis solidaires de la souffrance et
du deuil de tant de familles, injustement victimes de
la haine des hommes. Les adultes ont d'ailleurs bien
remarqué les signes de ces souffrances d'enfants
: angoisses nouvelles, pleurs inexpliqués, commentaires
dramatiques sur ce qui pourrait arriver; sursaut et
peur au passage d'avions bruyants; régression
et " collage " aux parents; énervement
plus diffus dans les cours de récréation;
bagarres plus faciles; petits enfants qui crient "
je vais te tuer ", ou " on va me tuer ",
etc. À l'inverse, il y a la minorité des
indifférents, surtout certains adolescents qui
" n'en avaient rien à cirer " et aussi
quelques joyeusement excités, assimilant ce qui
s'est passé à un " méga "
jeu vidéo, et même quelques racistes, faisant
vraiment leur le slogan politique du combat entre les
soi-disant forces du Bien et celles du Mal.
Notre responsabilité éducative
et soignante est grande à l'égard de ces
deux catégories schématiques de jeunes,
celle qui a souffert et souffre toujours moralement,
et celle, moins nombreuse, qui vit l'indifférence
ou l'excitation agressive. Il nous a semblé utile
de réfléchir à ce que nous pouvions
faire pour bien les accompagner, comme parents ou/et
comme soignants, d'autant que semblables catastrophes
collectives, intentionnelles ou non, sont susceptibles
de se reproduire.
Cette réflexion commence par
une brève évocation de deux préliminaires
:
- I'ensemble de la communauté humaine, adultes
inclus, a vécu et vit toujours jusqu'à
un certain point les mêmes bouleversements que
vivent les enfants : prétendre aider ceux-ci,
c'est aussi nous aider nous-mêmes et c'est très
bien ainsi, simplement ne faut-il pas le nier
- les enfants disposent de forces de
vie qui stimulent leur auto guérison, sans qu'ils
demandent notre avis. Beaucoup ont donc essayé
de s'en sortir tout seuls, en utilisant intuitivement
bien des techniques que nous détaillerons par
la suite. Le résultat en est variable et parfois
très bon. IL faut donc nous réjouir de
toutes les conversations de cours de récréation,
des jeux guerriers qui ont été opportunément
intensifiés pour maîtriser les " mauvais
", et de tous les nouveaux salons de chat et groupes
de discussions qui sont apparus sur Internet, tout cela
dans la perspective de se libérer par la parole
ou par l'action ludique. Néanmoins, cette spontanéité
sympathique ne suffît pas toujours et elle ne
nous rend pas quittes de notre travail d'éducateurs
ou/et de soignants.
A PROPOS DES ENFANTS STRESSES ET CHAGRINES
De la place de la parole
Aujourd'hui, il est de bon ton d'affirmer qu'il faut
" aider à parler ", et non pas "
faire parler ", les personnes psychiquement traumatisées,
et que l'opération va les libérer.
Or, si c'est souvent vrai, c'est à certaines
conditions -en tout cas dans une ambiance de délicatesse
- et pour peu que l'on ne s'en tienne pas à la
seule démarche : " On vient faire un petit
tour de parole près du traumatisé... et
puis l'on s'en va ". Nous allons donc proposer
la procédure, la dynamique dans laquelle peut
s'inscrire l'échange de paroles entre celui qui
est traumatisé et celui qui l'écoute,
puis en indiquer les contenus possibles. Ensuite, nous
décrirons d'autres démarches, nécessaires
elles aussi.
Comment procéder ?
Pour beaucoup d'enfants, cela a l'air facile : ils ne
demandent qu'à raconter ce qui les a impressionnés
parmi les faits, et l'on peut commencer par leur reconnaître
ce temps de parole et par se montrer attentifs à
ce qu'ils y disent. Pour commencer, on devrait d'ailleurs
les écouter sans les critiquer, en les aidant
à déployer leur point de vue subjectif,
sans en sourire ni vouloir trop vite le rectifier. La
" réponse adulte " peut venir un peu
après. Pour d'autres enfants, il suffit de poser
une " petite question " et la machine de leur
mémoire se met en route, tout heureux qu'ils
sont que leur discours apparaisse important à
l'adulte. Néanmoins, plus les enfants sont introvertis,
timides ou opposants, moins ils racontent spontanément
leur imagerie mentale ou leurs sentiments.
On peut certes insister avec délicatesse
(par exemple leur demander de faire un dessin qui montrerait
ce qu'ils retiennent des événements, mais
cela ne " marche " pas avec tous les enfants
: il faut finalement s'incliner devant leur liberté
de dire non), leur signaler qu'on attache une réelle
importance à connaître leur point de vue,
et que celui-ci nous aiderait à nous faire une
opinion plus complète (nous préférons
faire appel à l'idée du service qu'ils
pourraient rendre, plutôt que de leur dire "
ça te fera du bien ", ce qu'ils ressentent
parfois comme une emprise infantilisante). Mais il y
a une limite, et notre insistance amicale ne doit jamais
devenir pression désagréable ni violence.
Peut-être pouvons-nous nous en tenir, avec tel
enfant qui ne veut pas parler, à créer
une occasion naturelle où nous, adultes, nous
nous exprimerons devant
lui, entre nous, sans l'obliger à s'y joindre,
par exemple lors d'une réunion familiale.
Dialogue, évoquions-nous plus
haut ? IL ne s'agit pas de pousser l'enfant à
se " mettre à table " face à
un adulte qui demeurerait silencieux. Nous aussi, nous
avons été davantage impressionnés
par ceci ou cela, nous vivons des sentiments spécifiques,
nous avons des points d'interrogation en tête
: nous pouvons les partager avec lui, sans l'étouffer,
en lui laissant de la place mais sans faire non plus
semblant d'être d'accord avec toutes ses opinions
: il est parfaitement possible de faire part d'un vécu
ou d'une opinion différente, sans pour autant
mépriser l'enfant.
De tels bouts de dialogues peuvent
prendre place dans bien des lieux et souvent de manière
informelle : par exemple à la maison, parce qu'un
parent a saisi au vol les signes de souffrance de son
enfant, ou parce qu'il a besoin de parler rapidement,
lui aussi, de ce qu'il vit, lors d'un repas familial,
ou le soir, lors de la mise au lit, lorsque des choses
plus intimes se disent. Mais ce peut être aussi
le médecin consulté face à un changement
de comportement de l'enfant, qui aborde sereinement
la question des éventuelles peurs ou soucis de
celui-ci. Ce peut être encore en classe qu'on
en parle parce que l'instituteur a remarqué le
surcroît d'énervement des enfants, ou parce
qu'un enfant plus extraverti a fait un commentaire précis.
Le contenu des paroles échangées
En ne perdant pas de vue qu'aussi bien l'adulte que
l'enfant peuvent s'y mettre pour partager leurs impressions
mais en pensant davantage à la part de l'enfant,
l'écoute de ses dires devrait se centrer sur
:
- les faits : ce qui a impressionné
la " rétine psychique de l'enfant ";
comment il en comprend la mise en place et l'enchevêtrement;
éventuellement, leur amplification ou/et leur
déformation dans des images encore plus effrayantes
ou/et dans des rêves cauchemardesques; éventuellement
aussi l'évocation d'autres situations d'agression,
qu'il a vécues et auxquelles les faits lui font
penser
- " Pourquoi ? ", question
centrale de la curiosité humaine que la majorité
des enfants se pose spontanément mais dont ils
ne se hasardent pas toujours à exposer "
leur réponse ", par peur de ne pas être
accueillis. Pourquoi est-ce arrivé ? IL y a des
réponses partielles, techniques, immédiates
autour de l'efficacité des contrôles, explications
que ces petits ingénieurs- informaticiens que
sont tant d'enfants, sont intéressés à
bien saisir. Mais il y a des pourquoi infiniment plus
profonds et plus radicaux, auxquels ils pensent déjà
un peu tout seuls et auxquels nous pouvons d'autant
plus les sensibiliser qu'ils grandissent : un interdit
majeur a de toutes façons été transgressé
et appelle sanction, c'est celui de la vengeance directe;
mais toute cette haine sousjacente, qui est à
la source de l'attentat, n'est-elle le fait que de fous
ou de pervers ? Ne s'explique-t-elle pas aussi dans
l'injustice du monde et dans la souffrance des exclus
? Et dans un autre ordre d'idées, n'est-ce pas
l'occasion de reparler avec les aînés du
fait que l'omnipotence humaine est une illusion ? Le
risque zéro n'existera jamais : nous avons à
assumer en permanence une part d'incertitude sur notre
destin et à veiller vaille que vaille sur nous-mêmes,
avec l'aide de nos proches;
- et le " comment ? " Comment
faire pour réduire le risque de récurrence
d'une telle agression ? En veillant et en surveillant
encore mieux ? Oui, peut-être un peu, et il faut
sans doute dire, notamment aux plus jeunes, que leurs
parents et leur entourage prendront garde à bien
les protéger. Mais, ne faut-il pas parler aussi
aux enfants de l'importance de construire un monde plus
juste, où les biens sont plus équitablement
répartis, où l'exclusion vise à
disparaître et où l'on communique les uns
avec les autres, d'égal à égal,
sans se mépriser ? Et ce projet là, ce
n'est pas pour après-demain, c'est aujourd'hui,
dans le cercle de la famille et dans la cour de l'école
qu'ils peuvent commencer à le concrétiser
: voilà qui diminuera radicalement la haine et
augmentera la solidarité dans le monde, goutte
à goutte, à partir de petits gestes qui
sont déjà à leur portée.
Encourager l'enfant à se remettre debout,
sans précipitation
Dans les premiers temps où l'enfant est la victime
passive d'une agression, même si, comme c'est
le cas ici, c'est par procuration, il se sent terriblement
impuissant, abattu, vulnérable pour l'avenir.
Réagissant à ce vécu, une minorité
d'enfants, probablement les plus toniques, sortent rapidement
leurs griffes et se montrent plus nerveux, plus agités,
plus diffusément agressifs, mais de façon
stérile; la majorité des autres ont plutôt
tendance à perdre confiance dans le pouvoir protecteur
des adultes, à se déprimer un peu, voire
à régresser pour tenter quand même
de retrouver une protection, comme quand ils étaient
bébés. Le travail de parole que nous venons
d'évoquer permet déjà souvent d'alléger
une partie de cette angoisse et de remplacer une partie
des idées désespérantes par d'autres,
plus toniques.
Mais on peut faire plus pour amplifier
le sentiment de ces enfants d'avoir des forces positives
en eux. On peut leur demander de s'associer d'une manière
ou d'une autre à la reconstruction de ce qui
est détruit, à la mesure de leurs forces
et sans leur faire violence s'ils rechignent d'abord.
Ils peuvent le faire par des actes symboliques (participation
à des cérémonies, dessins ou pétitions
pour la paix, dessins ou jouets envoyés à
des petits américains victimes, etc.). Ils peuvent
le faire encore plus radicalement, en prenant en charge,
avec notre soutien, les démarches de changement
liées au " comment " que nous venons
d'évoquer : comment rendre mon environnement
plus juste, plus amical ?
Comment lutter contre l'exclusion de
certains, à l'école ? À eux d'ouvrir
de la sorte la voie pour faire perdre de la façon
la plus radicale la haine des autres. Cependant, à
plus court terme, et en raison de ce que nous avons
signalé de l'impossibilité du risque zéro,
il restera probablement toujours quelques agresseurs
aveugles, et l'on peut donc explorer avec l'enfant son
désir d'améliorer dans l'immédiat
ses moyens de self-défense et lui en donner l'opportunité.
Tous ces encouragements doivent cependant respecter
son rythme : dans les premiers temps, un enfant agressé
a souvent besoin de se mettre à l'ombre de papa
et maman, et de régresser quelque peu, et il
faut le laisser faire patiemment ! Tôt ou tard,
parfois avec un petit coup de pouce, les forces de vie
reprennent le dessus.
Les réassurances directes émanant des
adultes
Les démarches décrites jusqu'à
présent contribuent le plus radicalement à
rassurer l'enfant autant que faire se peut, sans restituer
pourtant l'ingénuité illusoire qu'il a
vécue au début de sa vie. À travers
l'écoute respectueuse des adultes, elles contribuent
à réinstaller en lui l'idée que
ceux-ci peuvent aussi le protéger, que lui-même
possède de la force, qu'il peut faire quelque
chose de positif dans le monde, et qu'il existe une
place pour l'espérance.
En matière de réassurance,
les parents, surtout eux, peuvent encore en faire davantage
pour les plus jeunes des enfants, en veillant à
filtrer les informations qui leur parviennent : on peut
mettre un enfant de trois ans au bain à l'heure
du journal télévisé, et apprendre
à modérer son langage devant lui. À
cet âge-là, on peut se souvenir que nos
mots le pénètrent parfois cruellement,
au premier degré, et qu'il a du mal à
les relativiser : il va penser par exemple, que la guerre,
c'est " la totale ", et que c'est pour cette
nuit. On doit donc être particulièrement
attentifs à ses signes d'angoisse, qu'il "
montre " particulièrement dans ses jeux,
et le rassurer avec des mots simples, sans entrer dans
trop de nuances. Comme toujours, avant de lui débiter
des informations rassurantes, mieux vaut écouter
ses questions et ses craintes à lui. Souvent
l'essentiel sera qu'il sache que papa et maman veillent
bien sur lui, que des méchants ne vont pas l'attaquer
et que la guerre, c'est petit et très loin.
Les adultes peuvent encore essayer
de changer les idées des enfants qui ne feraient
que penser à ça - ainsi que les leurs,
si c'était le cas - en amenant toute la famille
à s'intéresser à d'autres événements
et à s'engager dans des activités constructives
ou divertissantes. Pour les plus sensibles des enfants,
un léger somnifère ou un léger
tranquillisant peut les aider à dépasser
l'étape pénible de leurs angoisses les
plus aiguës. Pour la petite minorité chez
qui l'état de stress persisterait, malgré
la mise en uvre de toutes ces attitudes, une consultation
chez un psychothérapeute peut s'avérer
utile : il est rare que ce soient des enfants "
simplement " hypersensibles, par tempérament.
Plus souvent, ils ont déjà été
fragilisés par d'autres traumatismes, ponctuels
ou non, dont la trace est peut-être devenue inconsciente,
mais qui continuent à les insécuriser
basiquement.
Se mettre en question en tant qu'adultes
Ces questions de retour sur nous-même, elles sont
nombreuses. Nous n'imaginons pas, ni que nous puissions
nous les poser toutes, ni, a fortiori, leur apporter
chaque fois les éventuels changements de mentalité
ou/et de comportement qu'elles requerront. Sans nous
culpabiliser de nos imperfections, elles peuvent cependant
nous aider à mobiliser, de-ci de-là, des
paroles ou des attitudes par lesquelles l'enfant sera
mieux soulagé. Evoquons-en quelques-unes, en
allant du plus spécifique des traumatismes psychiques
aux tragiques événements survenus aux
Etats-Unis.
Pouvons-nous simplement imaginer la possibilité
d'un malaise, d'une résonance intérieure
pénible chez l'enfant (notre enfant, l'enfant
qu'on nous amène, l'enfant que nous soignons)
? qu'il a besoin de notre sollicitude particulière
? qu'il a peut-être quelque chose sur le cur
dont il n'ose pas parler ?
Et nous, sommes-nous dans notre état normal ?
Le traumatisme nous a-t-il aussi affecté ? En
résulte-t-il quelque chose de différent,
dans notre manière d'être, d'éduquer,
de parler en général et de parler à
l'enfant ? Quel effet pouvons-nous produire sur lui
? Que ressent-il de nous pour le moment ? Comment peut-il
être impressionné par notre énervement,
notre angoisse, notre colère, nos commentaires
philosophiques ? Est-ce que nous ne l'interpellons pas
différemment, peut-être plus négativement,
parce qu'il n'est pas comme d'habitude ?
Et, plus spécifiquement dans l'application que
nous vivons, qu'est-ce que nous en disons ? Comment
est-ce que nous partageons avec l'enfant nos "
pourquoi " et nos " comment " ? Sommes-nous
prêts à faire quelque chose, autour de
nous, pour nous remettre debout ? Et ce quelque chose
peut-il contribuer à atténuer la haine
autour de nous, dans notre communauté, et à
moyen terme dans le monde, ou au contraire, à
amplifier les rapports de forces ?
ET LA MINORITÉ D'ENFANTS QUI REAGIT A L'INVERSE
?
Nous en distinguons deux sous-groupes
: les réactions d'indifférence et/ou de
racisme manichéen, et celles d'excitation joyeuse.
Aucun de ces deux sous groupes ne sera vraiment transformé
par une réponse éducative immédiate;
aucun ne mérite non plus notre colère
ni notre rejet, mais plutôt que nous nous interrogions
sans détours sur la raison d'être de leur
fonctionnement.
Une minorité de fois, nous serons en droit de
penser que ce sont des adolescents qui " friment
" en affichant des positions opposées à
celles de leur entourage : plutôt que de les combattre,
ils gagnent à s'entendre dire très sobrement
: " Penses comme tu veux " et à constater
que les adultes maintiennent leurs opinions, mais en
en discutant avec d'autres qu'eux. Mais bien plus souvent,
le fonctionnement interpellant de ces jeunes est plus
basal et ne relève pas principalement du défi.
Face aux jeunes indifférents et/ou aux racistes
manichéens
Ce ne sont pas des désapprobations et des moralisations
faites sur le champ qui vont les faire changer de conviction,
encore que nous gagnons à leur faire savoir sobrement
la façon différente dont nous analysons
et vivons les événements. Fondamentalement,
c'est une remise en question de nous, adultes, portant
sur le passé et sur l'avenir, qui pourrait peut-être
mobiliser lentement et jusqu'à un certain point
leurs vécus profonds et leurs valeurs.
Interrogation du passé ? Il n'est pas rare qu'un
jeune indifférent ait lui-même été
perçu comme pas très important et/ou élevé
sans trop de sensibilité. Il en est de même
pour le raciste du moment, qui a souvent connu des attitudes
significatives d'exclusion, où de soi-disant
" bons " le positionnaient comme le "
mauvais "; ou alors, c'est toute la culture d'éducation
(familiale, scolaire) qui a été marquée
par l'indifférence, le matérialisme, le
mépris des faibles. Est-il inéluctable
que tout cela reste immuable ? Ne peut-on vraiment pas,
à l'occasion, reconnaître que des erreurs
ont été faites ou que des valeurs sont
à revoir ? Ne peut-on donc jamais évoquer
des moments de tensions injustes et demander pardon
?
Et pour l'avenir ? Ne peut-on pas, dans des lieux divers,
à la maison, à l'école, à
l'hôpital, là où l'on est et sans
toujours trop s'occuper de ce que font les autres, ne
peut-on pas veiller à une grande qualité
humaine des relations, entre autres avec ces jeunes
là ? Ne peut-on pas leur donner le meilleur de
soi-même, ce qui finira par les ouvrir à
la réciprocité ? Alors, quand un dialogue
plus sensible s'engagera, à nous de témoigner
de nos valeurs les plus profondes, autour du droit de
chaque être humain d'exister dans la dignité.
Face aux enfants excités
par le jeu de la guerre
Ce sont souvent des enfants plus jeunes qui ne comprennent
pas bien les enjeux réels de la situation. Beaucoup
d'entre eux ont déjà l'imagination saturée
et intoxiquée par trop d'images violentes, celles
des jeux vidéo et de la télé, devant
lesquelles on les avait laissés trop seuls et
trop longtemps. On les y a laissés aussi dans
le silence, imprégnés à foison
par les dimensions sensationnelles excitantes des images,
sans que des dialogues soient menés, par exemple,
sur les souffrances qu'elles connotaient pour leurs
victimes.
Certes, on peut toujours désapprouver
la confusion ludique de ces enfants, s'exprimer soi-même,
et tenter de les sensibiliser sur le champ aux enjeux
réels des événements : certains
de ces enfants, plus jeunes, se laisseront guider mentalement
pour cette fois, mais sans changement réel de
leur structure. Ici aussi, l'heure est à la remise
en question de nous, adultes, autour de la qualité
de vie relationnelle offerte à ces enfants :
l'image subie passivement ne constitue-telle pas trop
un exutoire commode pour eux et pour nous ? Bénéficient-ils
assez de notre présence à leurs côtés,
de dialogues autour des images difficiles ? Et, plus
radicalement, osons nous réglementer les temps
d'images et proposer à l'enfant d'autres distractions
créatives, et à la famille des projets
et autres moments de relation à deux, à
trois, ou ensemble ?
J.Y. Hayez* Unité de pédopsychiatrie
des cliniques universitaires Saint-Luc, 10, avenue Hippocrate,
B-1200 Bruxelles, Belgique
Les méfaits du tabagisme
chez l'enfant
En 1995, en France, 60 000 morts ont
été directement ou indirectement imputables
à l'usage du tabac. Les principales causes sont
les cancers : 31 500; les maladies cardiovasculaires
(maladies
des artères coronaires, accidents vasculaires
cérébraux) : 14000; les maladies de l'appareil
respiratoire (bronchite chronique, emphysème)
: 11 000. En 1998, lors de la dernière enquête
menée par le Comité français d'éducation
pour la santé et la Caisse nationale d'assurance
maladie, un peu plus d'un tiers des adultes âgés
de plus de 18 ans (35 %) déclarent fumer.
Le pourcentage de fumeurs chez les
hommes reste supérieur à celui des femmes
(42 contre 27 %). Près de la moitié de
la population âgée de 18 à 34 ans,
c'est-à-dire celle en âge de procréer,
fume. De ce fait, de très nombreux enfants sont
exposés aux méfaits du tabagisme passif,
tout particulièrement au cours de leur vie ftale
pour ceux dont la mère fume au cours de la grossesse.
Les pédiatres ne peuvent pas
rester indifférents devant de telles données.
Ils peuvent être des acteurs privilégiés
de la lutte anti-tabac en s'efforçant de convaincre
les parents fumeurs de la
nocivité du tabagisme passif pour leurs enfants.
PRINCIPAUX TOXIQUES TRANSMIS PAR LA FUMÉE
DE TABAC
La nicotine
La nicotine est contenue dans la phase particulaire
de la fumée de tabac et est responsable de la
dépendance pharmacologique et des effets cardiovasculaires
du tabac. ll s'agit d'un alcaloide de
faible poids moléculaire qui présente
une analogie structurale avec l'acétylcholine
et se fixe sur des récepteurs nicotiniques présents
dans tout l'organisme mais surtout au niveau du cerveau.
Sa fixation entraîne une libération de
monoamines (dopamine, sérotonine, et noradrénaline),
et par ce biais intervient dans la régulation
de l'humeur et des émotions.
Après absorption pulmonaire,
la nicotine diffuse par voie sanguine dans tout l'organisme;
elle gagne très rapidement (en moins de sept
secondes) le cerveau Sa demi-vie est courte, de l'ordre
de deux heures Son métabolisme est hépatique,
conduisant à un dérivé inactif,
la cotinine, qui est excrétée dans les
urines. La demi-vie de la cotinine est de l'ordre de
15 à 20 heures. Le besoin de fumer apparaît
dès que la nicotinémie baisse. Ce sont
ces variations de la nicotinémie qui sont à
la base du comportement tabagique La nicotine a une
action générale sur l'organisme Au niveau
du système nerveux central, elle est psycho-stimulante
et a une action anxiolytique. Sur le plan cardio-vasculaire,
elle entraîne une augmentation de la fréquence
cardiaque de dix à 20 battements par minute,
de la tension artérielle de cinq à 10
mm de mercure, du débit cardiaque à court
terme et donc de débit sanguin cérébral
et musculaire. À long terme, elle augmente la
libération des acides gras, des LDL et VLDL,
et augmente la réactivité plaquettaire
et les turbulences sanguines. Elle est ainsi responsable
d'une augmentation des affections cardiovasculaires
(coronaropathie et artériopathie des membres
inférieurs).
Sur le plan respiratoire, elle est
analeptique respiratoire à faible dose et dépresseur
respiratoire à forte dose. Sur le plan endocrinien
et métabolique, elle favorise la libération
d'opiacés endogènes (bêta-endorphines),
a une action anorexigène et augmente le métabolisme
basal. Ces effets métaboliques, couplés
aux effets sur le système nerveux central, sont
souvent ceux auxquels les fumeurs sont particulièrement
attachés et qu'ils invoquent en premier dans
leur réticence à arrêter de fumer
Le monoxyde de carbone ou CO
Gaz incolore et inodore, rentrant dans la composition
de la phase gazeuse de 1"< aérosol tabagique>>,
le CO a pour particularité de se fixer sur l'hémoglobine
avec une affinité supérieure à
celle de
l'oxygène pour former la carboxyhémoglobine,
complexe de demi-vie de quatre à six heures.
Son taux est de moins de 2 % chez le non fumeur non
exposé, de 5 à 7 % chez le sujet exposé
au
tabagisme passif, et peut atteindre 15 % chez le gros
fumeur. Ainsi chez le fumeur, le CO est un facteur d'hypoxie
chronique et de lésions endothéliales
pouvant jouer un rôle dans l'athérosclérose.
Irritants et carcinogènes
Les irritants (aldéhydes, acides, acroléine,
dérivés arsenicaux et ammoniacaux, etc.)
ont essentiellement des effets bronchopulmonaires néfastes
: altération de l'épuration mucociliaire
et de la fonction macrophagique, augmentation des résistances
bronchiques, modifications histologiques bronchiques.
Ils sont responsables de l'installation progressive
d'une bronchite chronique. Les carcinogènes présents
dans la fumée de tabac sont des hydrocarbures
polycycliques ou goudrons dont l'agent principal est
le benzopyrène. Ils possèdent une action
cancérigène directe en tant qu'initiateur
(transformation des cellules normales en cellules malignes)
et sont responsables des excès de cancers retrouvés
chez les fumeurs (poumon, voies aérodigestives
supérieures, sophage, vessie, pancréas,
rein, col utérin, etc.).
LE TABAGISME PASSIF
Le tabagisme passif correspond à
l'exposition involontaire du sujet non fumeur à
la fumée dégagée dans son voisinage
par un ou plusieurs sujets fumeurs. Il est issu des
courants secondaires (fumée provenant de la cigarette
qui se consume) et tertiaire (fumée exhalée
par le fumeur) alors que le sujet qui fume est exposé
au courant primaire (fumée inhalée par
le fumeur). Les courants secondaire et tertiaire sont
plus riches en particules, en CO et en produits toxiques
et cancérogènes, que le courant primaire.
Mais ces composés sont dilués dans l'air
amblant et la toxicité dépend grandement
de la taille des pièces, de la ventilation, du
nombre de fumeurs, du type et de la quantité
de tabac fumé, données qui sont difficilement
évaluables à l'interrogatoire.
L'évaluation objective de l'exposition
au tabac peut se faire par mesure du CO expiré
alvéolaire par une technique d'oxydation électrochimique.
Il est nécessaire de faire une inspiration profonde,
puis une apnée d'une dizaine de secondes puis
une expiration forcée. L'air expiré est
recueilli après avoir éliminé les
600 premiers cm3. Cette technique est toutefois irréalisable
chez le jeune enfant mais peut être facilement
réalisée chez les parents ou chez des
adolescents lors d'une consultation. Un marqueur plus
spécifique du tabagisme passif est le dosage
de la cotinine urinaire, qui est un reflet de l'exposition
tabagique lors des trois derniers jours. La cotinine
peut également être dosée dans les
cheveux et elle est alors le reflet d'une exposition
plus longue puisque 1 cm de cheveu correspond à
1 mois d'exposition; I'exposition la plus récente
est reflétée par le dosage au niveau de
la racine; ces dosages ne sont cependant pas réalisés
en routine.
EFFETS CLINIQUES DE L'EXPOSITION AU TABAGISME PASSIF
CHEZ L'ENFANT
Le tabagisme passif pendant la grossesse
Retard de croissance intra-utérin et prématurité
Le tabagisme passif est responsable d'un retard de croissance
intra-utérin qui est indépendant de l'âge
maternel, de la parité, du rang de naissance
et de la classe socioéconomique. Il favorise
également la prématurité du fait
d'une hypoxie ftale chronique (rôle du CO).
Par contre, il ne parait pas entraîner d'augmentation
du nombre de malformations congénitales.
Altération de la fonction respiratoire
Il existe une altération précoce des paramètres
fonctionnels respiratoires chez les nourrissons exposés
in utero [4] : sur 53 nourrissons de 5,1 semaines d'âge
moyen, ceux qui avaient été exposés
in utero au tabagisme passif présentaient une
diminution significative du rapport débit maximum
à la capacité résiduelle fonctionnelle
(Vmax CRF), équivalent passif du volume expiratoire
maximum seconde, par rapport aux enfants non exposés;
ils présentaient également une diminution
de la compliance, de la résistance et de la capacité
résiduelle fonctionnelle, témoignant d'une
réduction du calibre des voies aériennes
et d'une altération des propriétés
mécaniques du système respiratoire. Le
tabagisme passif in utero entraîne également
une hyperréactivité bronchique précoce
: un test de provocation bronchique à l'histamine
a été réalisé chez 63 enfants
âgés en moyenne de quatre semaines et demie
en mesurant le Vmax CRF : la réactivité
bronchique était significativement augmentée
chez les nourrissons qui avaient été exposés
eVou lorsqu'il existait des antécédents
atopiques familiaux au premier degré. Or, il
est actuellement reconnu que les nourrissons qui vont
faire des bronchiolites pendant la première annce
de vie sont ceux qui ont à la naissance des voies
aériennes de plus petit calibre.
Le tabagisme passif chez le nourrisson et l'enfant
L'exposition au tabagisme passif multiplie par deux
le risque de mort subite inexpliquée du nourrisson
:L'augmentation de ce risque est maintenant considéré
comme une "< évidence épidémiologique
>>. Dans une méta-analyse de 32 publications,
I'augmentation du risque chez le nourrisson exposé
pendant et après la grossesse est évaluée
à 108 % (IC 95 % : 83 à 138 %), et à
94 % si le nourrisson est exposé uniquement après
la naissance (IC 95 % : 55 à 143 %). L'effet
de l'exposition in utero seule est impossible à
évaluer car les femmes qui fument pendant la
grossesse continuent pour la plupart à fumer
après la grossesse.
Le tabagisme passif favorise les infections des voies
aériennes
Toutes les études épidémiologiques
s'accordent sur ce point. La relation est dose-dépendante
et l'influence du tabagisme passif maternel est toujours
prépondérante. L'augmentation des épisodes
de bronchites, bronchiolites et des pneumopathies a
été évaluée par une méta-analyse
portant sur 50 articles sélectionnés sur
692. L'augmentation du risque est de 72 % (IC 95 % :
55 à 91 %) pour toutes ces pathologies confondues
lorsque les enfants sont exposés au tabagisme
passif maternel. Il existe une relation dose réponse
dans la plupart des études. Dans une autre méta-analyse
plus récente portant sur 21 publications, la
fréquence des infections respiratoires basses
sévères est multipliée par deux
chez les enfants dont un des parents fume; le risque
est d'autant plus marqué que l'enfant est jeune
(moins de deux ans).
Les bronchiolites aiguës sont
particulièrement représentatives des infections
des voies aériennes inférieures du nourrisson
: Mc Connachie et Rophman ont rapporté un risque
de bronchiolites de 80 % chez les nourrissons soumis
à un tabagisme passif contre 8,6 % dans la population
témoin. Dans une autre étude, chez 28
nourrissons âgés de deux à 18 mois
hospitalisés pour bronchiolite à virus
respiratoire syncitial les taux de cotininémie
à l'entrée étaient en moyenne deux
à trois fois plus élevés que ceux
trouvés chez 30 nourrissons de même âge
hospitalisés pour des motifs autres que respiratoires.
Les otites moyennes aiguës sont non seulement plus
fréquentes chez les enfants exposés au
tabagisme passif mais elles durent également
plus longtemps. L'ablation des végétations
adénoides serait quatre fois plus fréquente
chez les enfants exposés au tabagisme passif.
Augmentation de la fréquence et de gravité
de l'asthme
Le tabagisme passif favorise l'apparition d'un asthme
et cela a été mis en évidence aussi
bien dans des études épidémiologiques
transversales, que dans des études prospectives
menées à partir de la naissance dans des
populations d'enfants non sélectionnés.
Une augmentation de la fréquence de l'asthme
est observée chez les enfants ayant un terrain
atypique et exposés au tabagisme passif. Chez
les enfants asthmatiques, l'exposition au tabagisme
passif augmente la morbidité, le nombre de consultations
médicales et la consommation en médicaments.
Le nombre d'exacerbations de l'asthme
est corrélé à l'importance de l'exposition
tabagique [13]. Dans une méta-analyse de 60 articles,
portant sur des enfants d'âge scolaire exposés
au tabagisme passif d'au moins un des deux parents,
l'augmentation de la prévalence de l'asthme a
été estimée à 21 % (IC 95
% : 10 à 34 %), celle des sibilants à
24 % (IC 95 % : 17 à 31 %), celle de la toux
à 40 % (IC 95 % : 17 à 53 %), celle des
épisodes d'encombrement bronchique à 35
% (IC 95 % : 13 à 62 %) et celle des épisodes
de gêne respiratoire à 31 % (IC 95 % :
8 à 59 %) [14]. L'effet est dose dépendant,
et plus important en cas de tabagisme passif maternel.
Il est d'autant plus marqué que l'enfant est
plus jeune, sans que cela soit lié à un
métabolisme différent de la nicotine mais
bien à une exposition accrue, le jeune nourrisson
vivant habituellement dans une atmosphère plus
confinée que l'enfant plus grand et ayant des
contacts plus rapprochés avec sa mère.
Sensibilisation allergénique ?
Les données concernant le risque de sensibilisation
allergénique sont contradictoires : il ne semble
pas exister d'augmentation de la sensibilisation aux
aéroallergènes et les études prospectives
n'ont pas trouvé d'augmentation de la concentration
sérique en IgE totales chez les nourrissons et
les enfants de mère fumeuse par rapport aux enfants
de mère non fumeuse. Par contre, une étude
prospective chez 342 enfants suivis à l'âge
de 1, 2 et 3 ans met en évidence une augmentation
très significative de 120 % (95 % : 10 à
320 %) de la sensibilisation aux trophallergènes
pendant les trois premières années de
vie chez les nourrissons exposés au tabagisme
passif en période pré et post-natale .
Le tabac n'exerce pas d'effet allergisant par lui-même.
Altération de la fonction
respiratoire
L'altération de la fonction respiratoire chez
les enfants d'âge scolaire exposés au tabagisme
passif est très modérée : diminution
du volume expiratoire maximum seconde de 1,4 % (IC 95
% : 1 à 1,9 %), du débit expiratoire maximum
50 de 5 % (IC 95 % : 3,1 à 5,5 %) et du débit
expiratoire maximum 25 de 4,3 % (IC 95 % : 3,1 à
5,5 %) dans une méta-analyse de 21 études
. Ces altérations respiratoires modérées
sont vraisemblablement des séquelles de l'exposition
anténatale au tabagisme passif. Les enfants exposés
au tabagisme passif ont une plus grande variabilité
du débit expiratoire de pointe mais pas d'hyperréactivité
bronchique significative.
Risque de cancer : données
contradictoires
Les études concernant les relations entre l'exposition
au tabagisme passif et le risque de cancer chez l'enfant
sont contradictoires. L'agence américaine de
protection de l'environnement a classé en 1993
la fumée de tabac à laquelle sont exposés
les nonfumeurs parmi les carcinogènes de classe
A, c'està-dire les plus dangereux. ll existe
chez l'adulte une relation évidente entre tabagisme
passif et cancer du poumon. Les études chez l'enfant
sont peu nombreuses et posent le problème du
délai d'apparition entre l'exposition et le début
de la pathologie. Une étude suggère que
18 % environ des cancers du poumon chez les non fumeurs
pourraient être en rapport avec une exposition
passive pendant l'enfance et l'adolescence; selon ce
même travail, chaque période de cinq années
d'exposition située pendant l'enfance ou l'adolescence
augmenterait de 6,5 % le risque de cancer du poumon
chez le futur adulte non fumeur.
Une étude cas/contrôles
de 114 femmes âgées de 30 à 69 ans
porteuses d'un cancer du poumon (59 paires de femmes
fumeuses et 54 paires de femmes non fumeuses) montre
que l'exposition au tabagisme passif avant 22 ans augmente
le risque de cancer du poumon chez les femmes fumeuses;
le risque est également augmenté chez
les non fumeuses exposées à un tabagisme
passif avant l'âge de 15 ans; le risque est maximum
pour une exposition précoce, avant l'âge
de sept ans.
Une méta-analyse récente
[22] va à l'encontre d'une relation entre l'exposition
au tabagisme passif et le cancer du poumon, mais trouve
une relation entre l'exposition au tabagisme passif
et l'ensemble des cancers de l'enfant : le risque serait
augmenté de 10 % IC 95 % : 3 à 19 %);
I'exposition au tabagisme passif paternel augmenterait
la fréquence des tumeurs du cerveau de 22
% (IC 95 % : 4 à 40 %) et des Iymphomes de 108
% (IC 95 % : 0,8 à 298 %).
Aggravation des maladies respiratoires chroniques
Le tabagisme passif peut aggraver certaines maladies
respiratoires chroniques telles que la mucoviscidose.
Une étude anglaise portant sur 57 enfants atteints
de mucoviscidose âgés de cinq à
16ans montre une corrélation négative
entre tabagisme passif et fonction respiratoire chez
ces enfants : pour chaque augmentation de l'index tabagique
de dix cigarettes, le VEMS diminue de 4 % et la capacité
vitale de 3 % . Dans une autre étude des enfants
atteints de mucoviscidose exposés à un`t
tabagisme passif important (de l'ordre de trois à
quatre paquets par jour), présentaient une altération
de leur fonction respiratoire et une multiplication
par cinq du nombre des admissions à l'hôpital,
par rapport aux enfants atteints de mucoviscidose non
exposés au tabagisme passif ou aux enfants exposés
à un tabagisme passif modéré.
LE TABAC ET L'ADOLESCENCE
Depuis 1977, une décroissance
du pourcentage d'adolescents français déclarant
fumer (même de temps en temps) est observée
: en 1977, le pourcentage de fumeurs de 12 à
18 ans était de 46 %; il avait diminué
de 25 % en 199. Les trois quart des jeunes fumeurs sont
des fumeurs réquliers (en moyenne 7,8 cigarettes
par jour); un quart sont des fumeurs occasionnels.
La législation pour la protection
contre le tabagisme repose sur les trois éléments
suivants : interdiction de la publicité, augmentation
du prix des cigarettes et interdiction de fumer dans
des espaces publics clos. Cette interdiction de fumer
dans les espaces publics permet de protéger la
santé des non fumeurs en diminuant l'exposition
au tabagisme passif, et également de renverser
l'image sociale du tabagisme, ce qui est fondamental
chez les jeunes qui commencent à fumer <<
pour faire comme les adultes >~. Ce sont d'ailleurs
majoritairement des enfants de fumeurs qui
deviendront les futurs fumeurs.
Les enfants de fumeurs vont en effet
considérer les premières cigarettes un
peu comme un << rite initiatique " leur permettant
de quitter le monde de l'enfance pour accéder
à celui de l'âge adulte. Ainsi, au début
de l'adolescence, imposer à ces jeunes une vie
sans tabac peut être vécu comme un refus
d'accession au monde des adultes. Plus tard dans l'adolescence,
les jeunes qui auront été déçus
par l'expérience du tabac, pourront envisager
d'arrêter de fumer, et l'épreuve du sevrage
sera alors vécue comme le véritable passage
à l'âge adulte.
Parmi les jeunes fumeurs, 57 % souhaitent
arrêter. Ce désir d'arrêter diminue
sensiblement avec l'âge, mais reste toujours supérieur
à 50 % . Cependant, avant de proposer un sevrage,
il faut faire très attention aux raisons et aux
motivations qui ont poussé l'adolescent à
fumer et l'aider à clarifier ses besoins. Les
raisons principales invoquées sont : la gestion
du stress, la gestion de l'ennui ou l'évitement
des signes de manque, et enfin l'amélioration
de la con centration intellectuelle. Les raisons invoquées
pour arrêter de fumer sont par fréquence
décroissante : faire des économies, connaître
une personne malade du tabac, améliorer sa santé,
son bien être et ses performances sportives, être
avec un non-fumeur, améliorer sa respiration,
ses capacités gustatives et olfactives, répondre
à la demande de ses amis, craindre la dépendance,
retrouver l'indépendance et l'estime de soi,
et en dernier lieu, connaître les effets du tabagisme
passif. Il parait donc plus important de travailler
avec l'adolescent sur l'image corporelle que sur les
effets délétères du tabac.
Il est nécessaire, pour aider
ces adolescents, d'associer une prise en charge individualisée
et un soutien en milieu scolaire. Sur le plan individuel,
l'outil de travail pourrait être une adaptation
française des "5A" du National Cancer
Institute : anticipate (entretien avec le pédiatre,
en toute confidentialité), ask (questionnements),
advise (informations), assist (utilisation de substituts
à la nicotine et de clonidine pour diminuer l'intensité
du sevrage) et arrange (consultations de suivi dans
les quinze premiers jours de l'arrêt et six à
huit semaines plus tard). Par ailleurs, en France, des
expériences de sevrage tabagique en milieu scolaire
sont régulièrement organisées,
menées par des médecins extérieurs
ou non aux établissements, le plus souvent assistés
d'autres professionnels (infirmières scolaires,
psychologues, etc.) (~< Objectif : école sans
tabac ", campagne lancée en 2000 au niveau
des collèges et des Iycées). L'impact
exact de ces campagnes est difficile à évaluer.
A. Juchet, unité des maladies
respiratoires et allergiques de l'enfant, hôpital
des Enfants, 31059- Toulouse cedex France article publié
dans Arch Pediatr 2002; 8 :539-44
Langage des bébés
: Quand les nourrissons s'exercent au babillage, leur
bouche s'ouvre sur la droite, preuve que le centre du
langage est déjà en place !
Les bébés babillent à
partir de sept mois jusqu'à environ un an, période
à laquelle ils prononcent leurs premiers mots".
Quand ils disent " Areu ! Areu ! " ou "
Peuh ! Peuh ! ",tout en tirant leurs chaussettes
ou en regardant leurs mains,ils babillent. Cet exercice
a l'air parfaitement insignifiant. Mais ce n'est pas
du tout l'avis de ceux qui cherchent à percer
les rnystères du langage et de son apprentissage.
" Le babillage du nourrisson est une question centrale
pour l'étude de l'enfant et de l'évolution
du langage ", assure Laura-Ann Petitto, célètre
psychologue spécialiste des neurosciences, de
l'Uriversité de Dartmouth (New Hampshire).
La preuve, elle présente aujourd'hui dans la
revue américaine Science une étude passionnante
(1) où elle montre que le babillage est une activité
de langage à part entière.
LauraAnn Petitto a enregistré
dix bébés en train de babiller, de sourire
et de faire des bruits de bouche. En analysant et en
comparant les différentes séquences image
par image sur ordinateur, elle a constaté que
la bouche des bébés présente une
légère asymétrie au moment du babillage
: le côté droit s'ouvre un peu plus grand.
Curieusement, cette déformation
n'apparait qu'à cette occasion. Quand l'enfant
fait des vocalises, sa bouche reste parfaitement symétrique.
Quand il sourit, sa bouche a tendance à s'ouvrir
un peu plus vers la gauche. En fait, ces asymétries
s'expliquent par le fait que le centre des émotions
(le sourire) dans le cerveau se trouve dans l'hémisphère
droit, tandis que le centre du langage se trouve dans
l'hémisphère gauche. De manière
générale, I'hémisphère droit
contrôle la partie gauche du corps et viceversa.
Quand c'est l'hémisphère gauche qui contrôle
l'action (le langage), il envoie les commandes motrices
à la partie droite de la bouche, et simultanément
la même instruction à I'hémisphère
droit, qui la répercute sur le côté
gauche de la bouche, avec du coup un peu de retard.
Le côté droit s'ouvre donc en premier.
Cela suggère donc que c'est le langage qui contrôle
cette action, et qu'il est déjà latéralisé
à gauche.
On pourrait objecter que cette ,asymétrie
dépend de la langue parlée par les parents
de l'enfant. C'est pourquoi Laura-Ann Petitto et Siothan
HolowLa, de l'Université McGill, à Montréal
(Canada), ont testé cinq bébés
anglophones et cinq autres francophones. Elles ont trouvé
le même résultat. Le babillage est identique
chez tous les enfants, quelle que soit la langue dans
laquelle ils baignent.
Personne auparavant n'avait observé
cette asymétrie. Elle apporte une nouvelle preuve
que, très tôt, les fonctions du langage
sont présentes dans le cerveau du bété.
Le nourrisson ne babille pas seulement pour apprendre
à maîtriser les mouvements de sa bouche,
comme le prétendent certains chercheurs. Ses
gazouillis sont déjà du langage. "
Le langage est présent avant le contrôle
de la bouche, et le bébé cherche justement
à I'exprimer. C'est sans doute le moment le plus
important de la vie ", explique Laura-Ann Petitto.
Repérer cette asymétrie
n'est pas chose facile. En fait, elle échappe
à l'observateur le plus attentif parce qu'elle
s'exprime très rapidement. " C'est devant
nous, et personne ne le uoit. ,Ca nous a fait un choc
quand on a fait nos premières observations. On
se demandait s'il n'y avait pas une erreur quelque part".
se souvient Laura-Ann Petitto.
La question de la vraie nature du babillage
n'est pas nouvelle. Tout le mérite de la chercheuse
d'origine italienne consiste à avoir eu l'idée
d'appliquer aux mouvements de la bouche des bébés
ume grille de lecture utilisée jusqu'alors chez
les adultes souffrant de troubles du langage. Avec un
peu de recul, on peut s'étonner qu'elle n'ait
pas eu recours à l'imagerie médicale pour
conduire ses recherches. Mais il faut savoir qu'il y
a peu, I'utilisation de scanner chez les béhés
était rigoureusement interdite à des fins
de recherche.
" Cette étude confirme
tous les indices que nous avions déjà
", commente Franck Ramus, de l'EHESS/CNRS. Pour
ce chercheur, il parait évident que le centre
du langage se met en place très tôt chez
le nourrisson. " Comment comprendre autrement que
l'enfant parvienne à apprendre les sons, les
mots et la structure syntaxique de sa langue en seulement
quelques années d'exposition ? "
(1) Science, 29 août 2002.
Des séquences vidéo sont présentées
sur le site Web de la revue.
*GPSR : Groupement
des Pédiatres Strasbourgeois exerçant la Réanimation
Unité de Néo-Natalogie - Clinique Sainte Anne