La récurrence
d'une Msin (mort subite inexpliquée du nourrisson) est
un phénomène
rare, sujet à discussions
en raison des diagnostics différentiels de pathologies
familiales non reconnues, car rares et difficiles à diagnostiquer.
En raison aussi d'homicides cachés. Une revue de
la littérature montre que, lorsque toutes les causes
sont écartées, la probabilité de récurrence
est très faible.
ENVIRON deux tiers des décès
soudains de nouveaunés demeurent inexpliqués
même après l'anamnèse et l'autopsie.
Ils sont catalogués comme Msin (mort subite
inexpliquée
du nourrisson).
Il arrive qu'un second décès
subit de nourrisson se produise dans la même
famille. Est-ce une autre Msm? Ou existe-t-il une cause
non décelée
lors du premier décès de nourrisson?
Pour tenter de connaître la probabilité de
récurrence
d'une Msin, C. J. Bacon et coil. se sont penchés
sur la littérature. Mediine et Embase leur ont
livré les études
publiées depuis 1970.
Dans huit études,
ils trouvent la description de familles où il
y avait eu répétition de cas de décès
de nourrissons. Après avoir passé les
publications au crible, les auteurs estiment que « une évaluation
erronée est susceptible d'avoir entaché les
résultats d'inexactitude, avec une surestimation
des Msin dans deux études et une sous-estimation
dans trois autres. Une cause d'erreur supplémentaire
est l'omission d'enfants de la fratrie quand ils sont
nés
en dehors des périodes de l'étude ».
Lorsqu'une autopsie n'a pas été réalisée,
une cause spécifique de décès
a pu être omise. Mais aussi, lorsqu'une autopsie
a eu lieu, les diagnostics manqués sont possibles,
surtout pour les études les plus anciennes,
celles des années 1970.
A transmission récessive:
Le rôle des maladies familiales susceptibles
d'entraîner
la mort d'un nourrisson, même de nos jours, ne
s'apprécie
pas encore très bien. Ainsi, le déficit
en acylcoenzyme A déshydrogénase, la
maladie de ce type la plus connue, n'a été possible
qu'après 1984. D'autres affections familiales
ont ensuite été impliquées et
leur nombre s'accroît continuellement Elles sont
rares et la plupart d'entre elles sont à transmission
récessive.
Elles sont à même d'occasionner des décès
répétés chez les nourrissons atteints,
alors qu'elles n'ont pas été mises en évidence.
On ne peut les exclure de manière exhaustive
en raison des difilcuités de diagnostic et du
coût. « Si
de telles maladies ne sont pas identifiées,
les décès sont probablement considérés
comme des Msin, d'où une surestimation des cas. »
Des
considérations du même ordre s'appliquant
aux homicides cachés. Jusqu'à la publication
d'Emery en 1980, les homicides n'étaient pas
considérés
comme une cause possible de Msin. Evidemment, ils sont
très difficiles à déceler et il
n'y a pas de signes fiables permettant d'orienter vers
cette cause. Des recherches sur la scène du
crime et des enquêtes confidentielles ont été recommandées,
mais les résultats restent d'une fiabilité discutable.
Si on se réfère à deux enquêtes
confidentielles, elles concluent que « environ
les deux cinquièmes des Msin répétées
sont la conséquence d'un crime ».
Mêmes
ces résultats sont sujets à caution.
Les trois facteurs de risques. En 2000, l'étude
du Cesdi (Confidential En quiry into Stillbirths and
Deaths in Infancy), selon un protocole d'étude
croisée avec des
témoins, démontre une différence
de risque dans des proportions importantes selon que
la famille est « à risque » ou non.
Le risque est multiplié par 40 lorsque sont
présents les
trois facteurs de risques identifiés dans ce
travail: multiparité, jeune âge de la
mère,
absence de revenus et présence d'un tabagisme
ambiant dans le foyer du nourrisson. Quelle réponse
apporter aux parents qui posent la question du risque
d'une récurrence
après le décès d'un enfant par
Msin ? Les détails du décès doivent être
passés en revue afin d'évaluer la probabilité d'une
maladie familiale passée inaperçue. Des
tests sont demandés aux membres de la famille. « Dans
les familles où une maladie familiale a été exclue
et où tous les facteurs de risque identifiables
et modifiables sont écartés (tabagisme...),
le risque de récurrence de Msin après
un premier événement du même type
est très légèrement augmenté,
mais it reste très faible. »
> Dr BEATRICE
MLLE Bacon CJ et coil. « Archives of Disease
in Childhood « 26
avril 2007
La mort d'un enfant est considérée,
aux yeux de tous, comme profondément injuste.
Elle provoque un ébranlement émotionnel
considérable, surtout lorsqu'elle survient
soudainement (accidents, infections foudroyantes,
mort subite d'un nourrisson par exemple), sans aucun
signe d'alerte. Devant une telle mort, brutale et
incompréhensible, les parents questionnent
les médecins. Les débuts de réponse
apportés constituent souvent pour eux une
première balise sur le long et douloureux
parcours où ils ont été violemment
projetés. C'est un premier point d'appui dans
ce moment de bascule. Il sera relayé par d'autres,
qui pourront les aider sur leur chemin famille, amis,
appartenance à un groupe religieux, insertion
dans un groupe de parents ayant traversé la
même épreuve, rencontre avec un psychiatre,
un psychanalyste ou un psychologue, ou encore un
mode beaucoup plus personnel de cheminement : écriture
pour certains, création artistique pour d'autres,
etc.
Contrairement à ce qui se dit beaucoup actuellement,
le deuil n'est pas une série d'étapes
que l'on franchirait pour arriver à une conclusion à un
moment donné. Il est réactivé,
poursuivi, élaboré au cours des évènements
de la vie du couple. C'est un processus de toute une
vie, un long travail intérieur pour ceux qui
demeurent pour toujours parents de leur enfant dans
son absence.
1. Le deuil des parents Ce
travail intérieur est toujours individuel, il
est toujours singulier. Il est lié à la
relation à l'enfant et à l'histoire personnelle
de chacun. C'est un travail de reconstruction psychique
pour trouver un nouvel équilibre après
cette perte brutale et violente. Il se fera en fonction
de la façon dont chacun s'est structuré autour
des premières pertes de son existence: celle
de la mère protectrice, qui répondait
au plus près de ses besoins quand il était
enfant, et puis les autres séparations et pertes
qui jalonnent toute vie.
Ce travail de deuil se fait en un temps et selon des
modalités propres à chacun, et il n'est
jamais conclu. Il passe souvent par des moments de
déni et de refus de la réalité,
avec l'impression de vivre un cauchemar dont on va
se réveiller. Il passe par des moments de repli
sur soi et de dépression où tout semble
dérisoire et sans intérêt. Il passe
par des moments où les parents ont le sentiment
de devenir fous, des moments où ils éprouvent
le désir de mourir pour retrouver leur enfant.
Il passe aussi parfois par un certain besoin de demeurer
dans cette souffrance qui les lie à celui qui
les a quittés [1].
Le deuil est accompagné d'angoisse et de culpabilité.
Cette culpabilité est liée en profondeur à l'ambivalence
de nos sentiments, au fait qu'une part de négatif
est toujours liée à du positif (2).
Tout ce ressenti et ces moments vécus avec
une intensité douloureuse peuvent s'apaiser.
Ils peuvent sembler dépassés, 246 M.A.
Bouguin /Archives de pédiatrie 12 (2005) 245247
et puis ressurgir, sans que ce soit prévisible,
au décours d'un événement qui
vient réactiver et remettre au travail ce qui
pourtant s'était vraiment pacifié.
La disparition de leur enfant rend les parents particulièrement
fragiles et vulnérables. Et les mots et attitudes
d'autrui peuvent être pour eux un grand soutien
ou au contraire venir les blesser ou les entraver sur
leur chemin.
Souvent l'entourage veut les protéger de trop
d'émotion, de trop d'expression de leur chagrin.
Les proches ignorent que c'est euxmêmes qu'ils
protègent ainsi. Ils espèrent parfois
atténuer la douleur des parents en leur suggérant
de ne pas en parler, d'oublier, de faire disparaître
les traces de l'enfant, parfois même ils prennent
l'initiative de le faire euxmêmes à la
place du père et de la mère. Ils peuvent
parfois aussi déconseiller ou empêcher
les parents d'aller voir leur enfant à la chambre
mortuaire avant les obsèques, ou au contraire
les pousser à le faire alors qu'ils n'y sont
pas prêts. Tous ces conseils ou réticences
de l'entourage peuvent gêner les parents dans
des actes qu'ils sentent nécessaires pour euxmêmes.
Ils sont les seuls à en connaître l'importance,
ils sont les seuls à savoir le temps qui est
le leur pour les poser.
Il faut savoir que ce qui est nécessaire et
bon pour un parent ne l'est pas forcément pour
un autre. De même, ce qui est nécessaire
et bon à un moment donné pour un père
ou une mère ne l'est pas toujours à un
autre. Ceci est également vrai à l'intérieur
du couple où le chemin de chacun et le temps
pour le parcourir sont personnels, ce qui n'est pas
sans entraîner parfois des difficultés
pour la vie du couple endeuillé (3).
Ce qui se dit très couramment tend à minimiser
la douleur liée à la perte d'un enfant.
On entend souvent des phrases comme « il était
si jeune, cela aurait été pire s'ils
l'avaient perdu plus grand », ou bien « ils
sont jeunes, ils en auront d'autres ». Ces phrases
sont blessantes et fausses. Elles sont fausses, car
l'expérience nous montre que plus l'enfant était
petit, moins les échanges auront été nombreux
entre lui et ses parents, plus ceuxci se trouveront
démunis pour lui faire une place intérieure.
Elles sont blessantes et destructrices, car ils sont
annulés dans leur identité fragile de
parents en devenir.
2. Le deuil de la fratrie Dans
la famille, les enfants aînés ont aussi à retrouver
un équilibre. Les frères et sours sont
touchés directement par cette mort. Ils ont à faire
face à cette disparition et au changement brutal
de leurs parents qui ont basculé dans le drame.
L'enfant qui disparaît était leur compagnon
de jeux actuel ou potentiel. Il était aussi
leur rival dans l'amour parental, entraînant
parfois jalousie, agressivité et désir
plus ou moins conscient d'être débarrassé de
cet intrus. Les aînés peuvent alors se
sentir très coupables si la réalité vient
rencontrer leur souhait. Ils ont besoin d'être
rassurés sur le fait que personne n'est responsable
de cette mort: ni leur papa, ni leur maman, ni euxmêmes.
Ils ont aussi besoin d'être rassurés sur
l'amour que leurs parents leur portent et leur porteront
toujours, même s'ils semblent avoir tellement
changé actuellement.
Même si les aînés ne savent pas
ce qu'est l'absence définitive de la mort, ils
sont prêts à l'entendre. Pour se repérer
et bien se structurer, ils ont besoin qu'on leur dise
que leur frère ou sour est mort, sans s'arrêter à des
métaphores comme « il dort» ou « il
est parti» (4). Taire la mort ne les préserverait
pas de ce drame, mais les gênerait dans leur
construction. Celleci se fait toujours à partir
de l'histoire familiale propre à chacun.
Mais pour que les parents puissent en parler aux frères
et sours, il faut que chacun d'eux ait pu « s'en
parler à luimême ». Si cette mort
reste indicible, l'aide d'un professionnel pourra peutêtre
leur permettre de formuler pour euxmêmes ce qu'ils
veulent transmettre à leurs enfants de ce drame
vécu par toute la famille. Le chagrin et la
douleur n'ont pas à être tus aux enfants
survivants. S'ils ont à être préservés
de quelque chose, c'est d'être mis en place de
soutien et de réconfort de leurs parents affligés.
C'est une place à laquelle certains se mettraient
beaucoup trop volontiers. Ceci les gênerait dans
leur structuration. Il est bon de ne pas les y conforter
mais de resituer les places de chacun. Il est bon,
aussi, de se garder de ramener tous les problèmes
d'un aîné à ce drame. Bien sûr,
il peut avoir des difficultés (liées
ou non à cette épreuve familiale), de
toute façon elles méritent qu'on s'en
occupe, peutêtre dans certains cas avec l'aide
d'une écoute et d'un regard étrangers à la
famille.
Pour les enfants qui naîtront après cette
mort, la question a souvent été posée
en termes « d'enfant de remplacement ».
Les choses sont probablement beaucoup plus complexes.
Il est certain que les parents sont marqués
par ce drame et que leur regard sur un puîné sera
chargé d'une façon ou d'une autre de
leur histoire familiale. Mais l'enfant quel qu'il soit,
tout enfant, ne vientil pas toujours dans la propre
histoire et le désir de ses parents pour « comme
réparer », « comme satisfaire » plus
ou moins ce qui a manqué ou été difficile
? C'est le lot de tout enfant, c'est le lot de notre
humanité.
3. Place d'un soutien
psychologique Ce nouvel équilibre à construire
pour toute la famille se fera souvent avec l'appui
de tout un environnement social et aussi de professionnels.
Mais la rencontre avec un psychologue n'est pas nécessaire
a priori
Certains parents peuvent le souhaiter, s'en trouver
rassurés et ce sera pour eux un point d'appui
important. D'autres peuvent être en grande difficulté et
demander une aide et un soutien qui pourront parfois être
longs.
À l'époque actuelle, où les indications
de consultation psychologique sont posées avec
une grande facilité, il est bon de préciser
la spécificité et la valeur du soutien
psychologique. Il s'agit pour le parent endeuillé d'une
adresse à quelqu'un dont la formation et la
sensibilité permettent de ne pas chercher à faire
taire l'expression de la douleur, de ne pas chercher à soulager
ce qui, dans ce momentlà, ne peut pas l'être,
et enfin, de ne pas se mettre en place de savoir ce
qui est bon pour l'autre. Cette acceptation de nonsavoir
de la part du MA. Bouguin /Archives de pédiatrie
12 (2005) 245247 psychologue ou du psychanalyste permet à celui
qui est en souffrance de tenter de mettre en mots cette
souffrance, et ainsi d'en être moins submergé.
C'est aussi cette acceptation de nonsavoir pour l'autre,
qui va aider le parent éprouvé à découvrir
ce qui est nécessaire, bon et important pour
lui dans ce moment. C'est en cela que consiste le travail
du psychologue : être là, aux côtés
de l'autre, l'écouter pour lui permettre de
formuler pour celui à qui il s'adresse, et du
coup pour luimême, ce qui est son chemin à lui,
son chemin de vie qui inclut la mort.
Malgré la chute
brutale en 1994 du nombre de morts subites du nourrisson
(MSN), avec la campagne "Je dors
sur le dos", 350 bébés meurent
encore chaque année de façon inexpliquée.
Ce chiffre reste stable, mais il est possible
d'améliorer la prévention, ont
souligné les participants
à un débat organisé dans
le cadre des Entretiens de Bichat (été 2004)
LA DEFINITION de la mort subite du nourrisson est
le décès brutal, inattendu, d'un
nourrisson
âgé de moins de 1 an, apparemment en
bonne santé, pendant son sommeil. Comme
depuis très longtemps, la MSN est répertoriée
par l'Inserm depuis 1970. Des centres de référence
ont été mis en place dans les régions
en 1986. Chargés de recenser les MSN, d'effectuer
des bilans complets (cliniques, biologiques, génétiques,
radiologiques...), les autopsies, ils assurent la
prise en charge psychologique des parents et le suivi à
long terme, notamment lors de la grossesse suivante,
qui réveille les inquiétudes. Ils jouent
un rôle informatif et préventif. Date
clé 1990. Le rôle des conditions de
couchage, notamment la nocivité du couchage
ventral du bébé, est mis en évidence.
La campagne
«Je dors sur le dos » fait baisser
de façon spectaculaire, 75 % en moins de
1 an, le nombre des MSN (350 décès
au lieu de 1500). Mais, depuis le nombre de 350
MSN par an reste stable. Il pourrait encore être
abaissé si l'on sensibilise les jeunes parents.
La mort subite du nourrisson est le fait "d'un
accident multifactoriel", le terme accident soulignant
le caractère aléatoire du drame. Le
« pic» de la mortalité se situe
entre 2 et 3 mois. Les garçons sont plus
touchés que les filles (deux tiers, un tiers)
et la période hivernale est la plus redoutable,
certainement par la conjonction de facteurs favorisants
et de virus.
La MSN implique la présence de plusieurs facteurs
périnataux favorisants de nature très
variée. Parmi ces facteurs, on peut citer l'hypotrophie,
une altération de la maturation du contrôle
des fonctions vitales (respiratoire, cardiaque, fonctions
neurovégétatives, immunité...)
très variable selon les sujets et la prématurité.
Facteurs auxquels des causes déclenchantes appartenant
au domaine habituel des pathologies de cette tranche
d'âge peuvent s'ajouter (infections, hyperthermies,
pathologies car
diaques, Reflux, épilepsie, maladies métaboliques). D'autres
facteurs favorisants liés à
l'environnement du bébé ont été
identifiés les mauvaises conditions de couchage
(sur le ventre ou de côté, la présence
de couvertures, oreillers, donnions, peluches volumineuses,
matelas non adaptés au lit), température
ambiante élevée, co-sleeping (entre
les parents), tabagisme passif, automédication
(de plus en plus rare).
Conseils de base. Pour
abaisser encore le nombre des décès
par MSN, l'action doit être orientée
vers les derniers facteurs cités, les facteurs
environnementaux, tels le tabagisme pendant la
grossesse et après, l'hyperthermie, les
risques de suffocation induits par la literie. Tous
les conseils de base doivent être rappelés
une literie "de sécurité",
sans oreiller, sans couverture, avec un matelas
adapté
jamais « bricolé », une température
de la chambre de 18 à 20°, l'interdiction
du co-sleeping et enfin faire dormir l'enfant sur
le dos. Quarante pour cent des bébés
frappés l'an dernier par MSN en région
Midi-Pyrénées donnaient en position
ventrale.
« Pour les autres facteurs, souligne le Dr Anne-France
Bongrand, les moyens d'action sont faibles et les pistes
de recherches restent immenses (recherche sur la sensibilité
accrue de ces bébés aux infections, recherches
génétiques, sur la maturation du système
nerveux)."
Prévention de la mort
subite du nourrisson : ni trop près ni
trop loin des parents
La mort subite du nourrisson (MSN) est une cause fréquente
de décès après la période
post-natale. A la suite d’une augmentation considérable
des cas de MSN dans les années 80, une réduction
de son incidence a été observée
dans la plupart des pays européens qui ont adopté
des recommandations de couchage du nourrisson privilégiant
notamment le décubitus dorsal.
Pour tenter de mieux connaître les facteurs de
risque actuels de MSN, et tout particulièrement
ceux qui pourraient être accessibles à
une prévention, un groupe européen a initié
en 1994 une vaste étude cas témoins qui
a couvert 20 régions du continent entre 1992
et 1996.
745 cas de MSN (ayant tous été autopsiés)
représentant 78 % des MSN survenues dans les
régions concernées ont été
comparés à 2411 témoins vivants.
56 variables susceptibles d’être des facteurs
de risque ont été étudiées
avec analyse uni et multivariée. Pour chaque
facteur de risque des odds ratio (OR) ont été
calculés, les OR en analyse multivariée
étant évidemment les plus signifiants
compte tenu de l’interrelation entre les divers
paramètres étudiés.
Ne pas faire dormir l’enfant dans le lit de ses
parents…surtout si la mère fume ou a bu
Par ordre décroissant,
d’importance les facteurs de risque principaux
suivants se sont révélés significatifs
:
- tabagisme maternel supérieur à 10 cigarettes
par jour et nourrisson dormant dans le lit de sa mère
le jour de l’accident : OR 17,7 (intervalle de
confiance à 95 % IC 95 : 10,3 à 30,3)
;
- enfant couché en position ventrale : OR 13,1
(IC 95 : 8,51 à 20,2)
- jeune âge maternel : OR 11 pour les mères
de moins de 18 ans (IC 95 : 5,38 à 22,4) ;
- famille nombreuse, si plus de 4 enfants dans la fratrie
OR 10,6 (IC 95 : 5,78 à 19,3) ;
- petit poids de naissance : OR 4,83 pour les enfants
de moins de 2000 g (IC 95 : 2,36 à 9,88).
L’alcoolisme maternel (OR 2,33 pour une consommation
d’alcool supérieure à 3 verres dans
les 24 heures précédent l’accident)
et l’utilisation d’un duvet (OR 1,82) étaient
également retrouvés comme facteurs de
risques dans les centres où ces paramètres
ont été pris en compte.
Ne pas coucher l’enfant sur le ventre ou le côté
Une analyse tenant compte de la position dans laquelle
l’enfant avait été placé
avant l’accident et de celle dans laquelle il
avait été retrouvé mort a de plus
montré que le risque était spécialement
élevé chez les enfants couchés
sur le côté et passant en position ventrale
durant leur sommeil (OR 45,4 ; IC 95 : 23,4 à
87,9). Une étude portant sur le sommeil des témoins
a d’ailleurs montré que la position latérale
était la moins stable (61 % des enfants changeant
de position contre 12 % seulement des enfants couchés
sur le dos).
Des facteurs de protection ont également
été mis en évidence par cette étude
cas témoins :
- enfant dormant dans la chambre de ses parents le jour
de la mort (mais non dans le lit parental) : OR 0,32
(IC 95 0,19 à 0,55) ;
- utilisation par l’enfant d’une tétine
lors du dernier sommeil : OR 0,44 (IC 95 0,29 à
0,68).
Un calcul très complexe a permis de définir
l’importance respective des différents
facteurs de risque de MSN (tout au moins au cours de
cette période). Faire dormir l’enfant dans
une chambre séparée serait « responsable
» de 35,9 % des cas, le fait de coucher l’enfant
en position ventrale serait également en cause
dans 35,9 % des MSN, tandis que faire dormir l’enfant
dans le lit de ses parents serait « responsable
» de 15,9 % des observations. Selon cette interprétation
des données 52 % de ces MSN auraient pu être
évitées en faisant simplement dormir l’enfant
dans la chambre de ses parents (mais non dans leur lit).
Cette très importante étude confirme donc
certaines données déjà connues.
Il en est ainsi de l’importance de la position
dans laquelle l’enfant est couché. Elle
met également en évidence un facteur moins
souvent identifié, le fait de coucher l’enfant
dans le lit de ses parents qui augmente le risque surtout
si la mère fume et /ou boit par ailleurs.
Enfin elle révèle un nouveau facteur de
risque : faire dormir l’enfant dans une chambre
séparée. Les mécanismes par lesquels
ce dernier mode de couchage serait dangereux mériteraient
d’ailleurs d’être explorés.
La prévention repose
donc sur des mesures simples :
mettre le lit du nourrisson dans la
chambre de ses parents, coucher l’enfant en décubitus
dorsal, peu couvert, sans duvet ni couverture que l’enfant
pourrait mettre sur sa tête, éviter de
fumer, ne pas faire dormir l’enfant dans le lit
de ses parents surtout avant 8 semaines, si la mère
fume ou a bu.
Facteurs prédictifs
de mort subite
du nourrisson
L'étiologie du
syndrome de mort subite du nourrisson (MSN) reste inconnue,
mais elle est de toute évidence multifactorielle,
et si son incidence a diminué ces dernières
années, c'est sans doute à la suite de
l'identification d'un certain nombre de facteurs de
risque et des mesures qui ont été prises
pour les faire disparaître. Les troubles électrocardiographiques
et le tabagisme maternel semblent en faire partie.
Des auteurs italiens ont testé
l'hypothèse selon laquelle un allongement de
l'intervalle QT à l'électrocardiogramme
(ECG), résultant sans doute d'anomalies de l'innervation
sympathique du cœur, pourrait accroître le
risque d'arythmie ventriculaire fatale et donc de MSN.
Ils ont ainsi pratiqué un ECG au troisième
ou quatrième jour de vie chez 34 442 nourrissons
nés entre 1976 et 1994, qu'ils ont ensuite suivi
de façon prospective pendant 1 an. L'intervalle
QT était analysé avec et sans correction
pour la fréquence cardiaque.
Les données du suivi ont été
disponibles pour 33 034 nourrissons. Trente-quatre décès
ont été enregistrés dont 24 étaient
des MSN. L'intervalle QT corrigé (QTc) était
significativement plus long chez les nourrissons décédés
de MSN que chez les survivants (moyenne [ +/- ET] :435
45 vs 400 +/- 20 msec ; p < 0,01) et que chez les
enfants décédés d'autres causes
que de MSN (393 +/- 24 msec; p < 0~05). De plus,
12 des 24 nourrissons décédés de
MSN présentaient un allongement de QTc (défini
par un QTc > 440 msec). Lorsque l'intervalle QT a
été mesuré en valeur absolue pour
des cycles cardiaques de durée similaire, on
s'est aperçu que chez 12 des 24 nourrissons décédés
de MSN, la valeur de QT était située au-dessus
du 97,5e perceptible pour l'ensemble du groupe étudié.
Le risque relatif de MSN chez les nourrissons ayant
un allongement de QTc était de 41,3 (intervalle
de confiance à 95% 17,3 à 98,4).
Il existe donc une forte association
entre l'allongement de l'intervalle QT durant la première
semaine de vie et la MSN. Un dépistage électrocardiographique
néonatal pourrait sans doute permettre d'identifier
précocement un pourcentage substantiel de nourrissons
à risque et de mettre en oeuvre des mesures préventives.
En ce qui concerne le tabagisme, de
nombreuses études épidémiologiques
à grande échelle ont indiqué que
le risque de MSN augmente parallèlement à
l'importance du tabagisme maternel.
Une étude norvégienne,
basée sur des mesures objectives, avait pour
but de déterminer si des nourrissons décédés
de MSN avaient été davantage exposés
à la fumée de tabac que des nourrissons
décédés de façon imprévue
pour d'autres raisons.
La concentration de cotinine dans le
liquide péricardique était considérée
comme indice d'exposition à la nicotine. Une
concentration supérieure à 5 ng/ml témoignait
d'une exposition significative et une concentration
supérieure à 20 ng/ml d'une exposition
massive. Des prélèvements ont été
effectués chez tous les enfants âgés
de moins de 7 ans décédés subitement
de 1990 à 1993 dans la région Sud-Est
de la Norvège. Vingt-quatre nourrissons étaient
décédés de MSN, 12 à la
suite d'infections et 9 par accident (âge médian
: 4,5, 5 et 35 mois respectivement).
Par rapport aux enfants d'âge
comparable décédés par suite d'infections,
le pourcentage d'enfants décédés
de MSN était significativement plus élevé
en cas d'exposition significative ou massive à
la nicotine (92% vs 67% et 25% vs 0%, respectivement;
p < 0,05). La concentration médiane de cotinine
était significativement plus élevée
chez les nourrissons décédés de
MSN que chez ceux décédés par suite
d'infection (15,8 ng/ml vs 7,1 ng/ml; p < 0,003),
mais elle était comparable à celle observée
chez les enfants décédés accidentellement
( 12,9 ng/ml; NS).
Les conclusions de cette étude sont :
- que les nourrissons décédés de
MSN sont plus souvent et plus massivement exposés
à la fumée de tabac que les nourrissons
décédés par suite d'infection;
- que les décès accidentels du nourrisson
et de l'enfant sont fréquemment associés
à une exposition significative à la nicotine
Mort subite du nourrisson
: les Britanniques innocentent la vaccination accélérée
Les Anglais voulaient
en avoir le cœur net et voilà qui est fait
: le programme de vaccination accélérée
qu'ils ont adopté en 1990 n'est pas associé
à la mort subite inattendue du nourrisson, qu'elle
soit expliquée ou inexpliquée. IL y aurait
même une tendance inverse.L'age auquel les enfants
reçoivent leurs premières vaccinations
correspondant au pic d'âge de la mort subite du
nourrisson; ce qui a conduit à spéculer
sur une relation entre les deux.
Ces vingt dernières années,
des observations isolées et quelques études
cas contrôles ont suggéré une possible
association. Mais des séries d'études
sont arrivées à la conclusion contraire
et l'une d'elle a même suggéré que
le programme de vaccination accélérée
contribue à une réduction du nombre de
morts subites. Mais toutes ces études comportaient
des biais.
En 1990, le programme de vaccination
a été accéléré au
Royaume-Uni : les premiers vaccins contre la diphtérie,
le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite
sont maintenant administrés à 2, 3 et
4 mois au lieu de 3, 5 et 9 mois; depuis 1992, on associe
aussi le vaccin contre Haemophilus in.fluenzae de type
b.
Un travail sur 470 000 naissances
Une équipe britannique a entrepris
une grande étude cas contrôle sur la mort
inattendue du nourrisson après la mise en place
du programme de vaccination accélérée
et la réduction du taux de morts subites observée
au début des années 1990. Ce travail,
qui a duré trois ans (de février 1993
à mars 1996), a porté sur les bébés
morts subitement entre 1 semaine et 1 an, au sein d'une
population de 17,7 millions de personnes. Pour chaque
enfant décédé, quatre contrôles
étaient sélectionnés. On établissait
une période de " référence
du sommeil " correspondant au moment où
le cas index était décédé.
On recueillait (par une forme modifiée de la
Cambridge Baby Check) les signes de maladie de cas index
et des contrôles dans les vingt-quatre heures
précédant le décès ou la
période de référence.
Davantage de vaccinés chez les contrôles
Un enfant était considéré
comme vacciné s'il avait déjà reçu
au moins l'un des vaccins. Sur plus de 470 000 naissances,
il y a eu 456 morts subites inattendues, dont 363 morts
subites inexpliquées, et 93 morts subites inattendues
mais expliquées.
Parmi les enfants ayant eu une mort
subite inexpliquée, un peu moins de la moitié
avait été vaccinée, contre les
deux tiers des contrôles. La vaccination apparaît
donc au premier abord fortement associée à
une réduction du risque de mort subite inexpliquée
(odds ratio : 0,45). Toutefois, après prise en
compte de certains facteurs (enfant couché sur
le ventre, vêtements couvrant la tête, par
exemple), la différence devient non significative
(0,67; de 0,31 à 1,43).
La moyenne d'âge lors du premier
vaccin était de 61 jours pour la mort inexpliquée
et de 59 jours chez les bébés contrôles.
Les délais entre le dernier vaccin et la mort
inexpliquée ou la période de sommeil étaient
de 27 et 29 jours; enfin, 5 % de bébés
morts avaient reçu un vaccin dans les 48 heures
précédant le décès et 5
% des contrôles avant la période de référence.
Pour les morts expliquées,6 % sont décédés
dans les 48 heures suivant le vaccin (3% des contrôles
pour la période de référence).
Au total, plus d'un tiers des morts
subites inexpliquées sont survenues entre 2 et
4 mois, âges des vaccinations. Pour qu'il s'agisse
plus que d'une coïncidence, il faudrait que la
couverture vaccinale soit supérieure chez les
enfants morts que chez les contrôles. Or, c'est
le contraire qui a été constaté.
" Nos données suggèrent que la vaccination
ne contribue pas au risque de mort subite et peut protéger
contre elle ", estiment les auteurs. " Nous
concluons que le programme de vaccination accélérée
au Royaume-Uni n'est pas associé à la
mort subite inattendue, qu'elle soit expliquée
ou inexpliquée ", concluent-ils.
Dr E.deV., le quotidien du médecin,
9/04/2001 - Peter Fleming et colL (Bristol). "
BMJ "du 7 avril 2001, pp. 822-825.
Les enfants suivants
Préparer une
nouvelle naissance :
Même si le désir s'en fait jour très
vite, parfois même en plein deuil, la venue d'un
nouvel enfant est une décision grave, difficile
à prendre. Car il ne s'agit pas de faire un enfant
de substitution, ni d'ignorer qu'à la joie de
la grossesse se mêlera l'anxiété,
et au bonheur des premiers mois, l'inquiétude.
D'un point de vue médical, les
grossesses ultérieures ne posent pas de problème
particulier et se déroulent le plus souvent normalement
: elles nécessitent un suivi régulier
et autant que possible une ou plusieurs consultations
pédiatriques anténatales (les parents
pourront alors reposer les questions qu'ils souhaitent
par rapport à l'enfant décédé,
et on envisagera l'accueil de ce nouvel enfant).
A ce moment, si l'assistance de professionnels
est absolument nécessaire, l'expérience
de parents qui sont "aussi passées par-là"
est précieuse, pour aider les parents à
reconstruire une nouvelle vie. Le réseau "Naître
et Vivre" peut alors les aider.
Naissance et suivi du ou des enfants suivants :
On sait maintenant que le risque médical,
objectif, d'une récidive de MSN dans la même
famille est exceptionnel. Le rôle du médecin
est de repérer les rares situations où
le risque est éventuellement un peu augmenté,
de manière à proposer une prise en charge
et un suivi adaptés
Pour toutes les autres familles, le
rôle des professionnels sera d'aider les parents
à considérer ce nouveau-né comme
un enfant sans problème particulier. Le suivi
médical peut être replacé dans un
contexte habituel de pédiatrie générale,
avec toutefois, dans certaines situations, un bilan,
de façon à traiter d'éventuelles
pathologies favorisantes.
Les indications médicales de
ce bilan ne sont pas systématiques. Elles sont
à discuter en fonction du diagnostic porté
pour l'enfant décédé, de la demande
des parents, et surtout de l'éventuelle symptomatologie
du nouveau-né.
Quand un bilan est proposé,
habituellement aux alentours de l'âge d'un mois,
il s'agit le plus souvent du dépistage d'un reflux
gastro-oesophagien et d'une hyperréflectivité
vagale. En cas d'anomalie, un traitement adapté
sera institué.
En général, l'enfant
suivant est considéré comme un nouveau-né
sans risque particulier, mais l'inquiétude, l'angoisse
des parents, légitimes quelques mois après
avoir vécu un tel drame, doivent être pris
en compte par les professionnels, sans en faire peser
autant que possible les conséquences sur l'enfant.
Pendant de nombreuses années,
beaucoup d'équipes ont proposé aux enfants
fratries, des surveillances par monitorage cardio-respiratoire
à domicile. On n'a jamais pu prouver que cette
surveillance faisait régresser les chiffres de
mort subite du nourrisson.
Certains centres de référence,
seuls habilités à délivrer ces
appareils, le proposent éventuellement à
titre "anxiolytique".
Dans ce cas, le recours à ces
appareils doit être encadré par un suivi
médical et surtout psychologique des parents.
Une aide toute particulière
est nécessaire pour sa mise en route et pour
son arrêt.
Dans la majorité des familles,
une telle surveillance n'est actuellement pas nécessaire,
les parents réussissant le plus souvent à
surmonter leur inquiétude personnelle en acceptant
de faire confiance à la vie de ces enfants.
Conseils de prévention pour
les enfants suivants :
Comme lors de la naissance de tout
nouveau-né, les conseils portants sur l'environnement
de couchage et la position dorsale de sommeil seront
rappelés. Et cela, même lorsque l'enfant
décédé avait été
retrouvé dans une position dangereuse. En effet,
la culpabilité des parents est majeure dans ces
situations, mais il préférable qu'ils
puissent l'exprimer au moment de la grossesse ou de
la naissance, et le rappel de ces conseils pourra leur
en fournir l'occasion.
Les enfants suivants ne sont plus actuellement
considérés comme une population à
risque du simple fait de cet antécédent
dans leur famille.
Néanmoins, comme pour tout enfant,
la vigilance s'impose : tout petit épisode de
malaise, tout symptôme qui inquiète les
parents devra être signalé. L'enfant sera
alors examiné de manière à pouvoir
prendre en compte cette symptomatologie et rassurer
les parents. en terme de prévention, les parents
ne doivent pas se laisser abuser par des tentatives
commerciales proposant des moyens de surveillance non
adaptés et qui induisent une fausse sécurité,
tels les matelas anti-apnées. Ces appareils risquent
de renforcer l'inquiétude des parents et ne sont
accompagnés d'aucun conseil médical et
d'aucun suivi.
Dans la plupart des familles qui ont
perdu un enfant subitement, un autre enfant naîtra,
nouvel élan de vie et d'espérance, pour
le plus grand bonheur des parents et des aînés.
Les facteurs de risque de
mort subite du nourrisson
Une étude
néo-zélandaise avait pour but de déterminer
si les facteurs de risque de mort subite du nourrisson
étaient différents au cours de la nuit.
Une large étude nationale, opposant 369 cas à
1558 témoins en Nouvelle-Zélande montre
que les deux tiers des morts subites surviennent la
nuit, entre 10 heures du soir et 7 heures 30 du matin.
Le risque induit par la position ventrale est de 3,86
pour les morts nocturnes et de 7,25 pour les morts survenant
au cours de la journée; la différence
est donc significative. Le risque induit par le tabac
maternel est de 2,28 pour les morts nocturnes et de
1,27 pour les morts diurnes. Les morts nocturnes étaient
également plus fortement associées à
un état de privation sociale. Les morts subites
du nourrisson différent le jour et la nuit, la
position ventrale étant plus à risque
le jour, alors que le tabac et la privation sociale
sont plus dangereux la nuit.
*GPSR : Groupement
des Pédiatres Strasbourgeois exerçant la Réanimation
Unité de Néo-Natalogie - Clinique Sainte Anne