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Questions concernant
les jumeaux

 
 

Impact psychologique des jumeaux sur les enfants et leurs parents

La mort périnatale d'un enfant jumeau: vivre entre perte et attachement

Quelles aides pour les parents de jumeaux :
conseils pratiques

Quelques adresses utiles

 
 
 
 

La mort périnatale d'un enfant jumeau: vivre entre perte et attachement

 


La mort périnatale d'un enfant jumeau plonge les parents dans un désarroi important. Elle suscite aussi chez les professionnels une grande perplexité: quels mots prononcer, quelle attitude adopter, quel soutien apporter aux parents ?
Devant la détresse des parents, de nombreux soignants ont encouragé ceux-ci à reporter leurs espoirs et leurs attentions sur l'enfant vivant : cet enfant devenait en quelque sorte un enfant consolateur, voire un enfant réparateur du malheur lié au décès de son co-jumeau. Parfois, les soins, l'attention à prodiguer au jumeau vivant, permettaient de ne pas évoquer la mort du jumeau. provoquant chez les professionnels un véritable évitement de la question du deuil de cet enfant. Parfois aussi, on utilisait le nécessaire attachement au jumeau vivant pour "aider" la mère à penser à autre chose qu'au jumeau disparu qui la hantait "n'y pensez plus, concentrez-vous sur celui qui va bien, il a tellement besoin de vous".


Puis la vulgarisation des connaissances autour du deuil a amené les soignants à prendre conscience de la gravité et de la complexité de la blessure que représentait la mort d'un enfant en période périnatale. Ils se sont alors souciés davantage encore de l'appui à apporter à ces parents, au risque de les enfermer dans un statut parfois exclusif de parents endeuillés. Ce faisant, le risque était grand d'être moins attentif à soutenir le lien naissant avec le jumeau vivant. Parallèlement à ces deux types d'attitudes que les soignants entretenaient avec les parents du jumeau décédé, il arrivait souvent alors qu'on pensât que les liens avec le jumeau vivant s'instauraient facilement, naturellement.


La mort périnatale d'un jumeau et l'accueil de son co-jumeau soumettent les parents à des mouvements psychiques extrêmement forts. Les parents. et notamment la mère, sont dès lors dans un état de conflictualité psychique très complexe.
Nous voudrions proposer l'idée que le travail des professionnels consisterait justement à ce moment-là, à soutenir cette conflictualité, afin d'aider à la fois, le processus de perte et le processus d'attachement. À la fois, afin qu'aucun de ces deux processus ne prévale, mais qu'ils puissent, autant que faire se peut, se dérouler ensemble, dans un va-et-vient permanent entre travail de renoncement et travail d'attachement, entre mésestime de soi et restauration de l'idée de ses compétences parentales, entre sentiment d'insécurité et rétablissement progressif d'un certain niveau de sécurité intérieure.
Les parents qui perdent un jumeau en période périnatale vivent une épreuve aussi douloureuse que ceux qui perdent un enfant «singleton». La bonne santé du jumeau vivant ne vient en aucun cas atténuer ou compenser la gravité de la perte et l'intensité du vécu de deuil.
On observe alors une réaction dépressive intense, habituelle dans le cas de décès d'un bébé. Et l'on sait maintenant que les bébés de parents déprimés risquent de présenter une vulnérabilité psychologique particulière.


Le deuil présente cette particularité de s'accompagner d'une perte d'intérêt pour le monde extérieur, et de la difficulté à choisir un nouvel objet d'amour. S'il ne faut pas négliger l'importance du soutien apporté à la mère par le père et par la famille, on ne peut pas non plus mésestimer les effets potentiels de cette forme singulière de deuil qu'entraîne la mort périnatale : blessure narcissique, trouble du sentiment d'estime de soi, entrave au développement, sentiments profonds de culpabilité pouvant confiner à un vécu de mère meurtrière (quelle que ce soit la cause de la mort, spontanée ou pas). Le cortège de réactions dépressives est lui aussi bien connu : tristesse, révolte, anxiété, autoaccusations, perte de l'élan vital. Sans oublier la possible réactivation de deuils anciens non résolus.


Tandis qu'elle serre son jumeau vivant dans les bras, la mère endeuillée peut être envahie par ces sentiments, ces idées, ces fantasmes. Le sentiment d'échec à maintenir ses deux enfants en vie, peut être renforcé par le chagrin de ne pouvoir être «tout entière » à son enfant vivant. Tout en lui rappelle l'enfant décédé. Chaque trait, chaque expression, lui font prendre conscience du manque de l'autre. Lorsqu'elle regarde le bébé, qui voit-elle? A qui rêve-t-elle? Lorsqu'elle le nourrit, à qui donne-t-elle le sein? Quelle image l'envahit. quels regrets, quelle révolte ? Le trouble et la confusion dominent.


Le jumeau vivant sera toujours considéré comme un jumeau par sa mère. Longtemps, elle en verra deux là où il n'y en qu'un, avec parfois des moments de confusion entre le bébé décédé et le bébé vivant, avec des comparaisons où l'enfant disparu peut être idéalisé (comme le sont la plupart des personnes disparues). Il arrive que la mère éprouve de façon fugace du ressentiment pour l'enfant vivant, expression de sa révolte contre le décès de l'autre jumeau (< pourquoi est-ce arrivé à l'autre et pas à lui ? »). Souvent, elle souffre de se sentir (de se penser) inadéquate avec son jumeau vivant.


Cette rapide évocation montre combien il est difficile pour la mère, préoccupée par sa détresse, d'être tout entière disponible psychiquement à son bébé vivant.
Même si les soins de maternage sont donnés avec affection et tendresse, ils se déroulent dans un climat particulier. Il arrive que les interactions soient appauvries, parfois un peu mécaniques, que l'accordage émotionnel soit faible, que le discours adressé au bébé soit pauvre.
De temps en temps, le jumeau vivant la tire de sa rêverie, l'amène vers la vie, la réanime, elle peut alors mieux entrer en lien avec lui pour ce qu'il est, et non pour ce qu'il évoque.
Il ne faut pas sous-estimer à quel point le bébé est un partenaire actif dans l'interaction. Selon son tempérament. le jumeau vivant réagira de façon plus ou moins vive à cette difficulté maternelle il pourra stimuler sa mère, l'interpeller, l'inciter à développer l'interaction. Il pourra activement se rendre très présent, très vivant, aider sa mère à sortir de cette torpeur et de cette affliction. Il pourra parfois développer des capacités adaptatives extraordinaires. Il arrive néanmoins que l'énorme potentiel de vie dégagé par le jumeau nouveauné, ne suffise pas à l'instauration d'interactions de bonne qualité avec les parents. Il arrive aussi que le jumeau vivant, pour différentes raisons (prématurité, petit poids., hypotonie, etc.) soit en difficulté pour répondre ou initier les interactions avec ses parents.


L'étayage proposé par les professionnels de santé va s'avérer essentiel.
C'est en s'appuyant sur la comprehension empathique des soignants que les parents pourront traverser ce moment en utilisant au mieux leurs propres ressources, individuelles et de couple.
L'attention portée par les soignants aux ressentis complexes des parents, la qualité des soins prodigués, de l'écoute apportée sont des appuis majeurs pour les parents.
L'accompagnement par les soignants, au propre rythme des parents, des mouvements psychiques violents et contradictoires qui les envahissent, est un travail important et délicat. dans ce moment d'effraction psychique. Aider les parents à élaborer leurs propres contradictions internes, à penser la situation dans toute sa complexité, à identifier leurs affects et leurs pensées contradictoires. Ils peuvent ainsi vérifier progressivement, avec les soignants, que tenir ces positions contradictoires est vivable, qu'ils peuvent se sentir vivants, et vivants comme parents de ces deux enfants-là: « Nous sommes là, professionnels, à côté de vous, parents. Nous sommes témoins de ce que vous traversez. Peut-être vous sentez-vous à la fois fier de vous, de votre enfant vivant, et à la fois, un peu dévalorisés et insécurisés par la mort de votre autre enfant ».


La capacité de tenir dans un même discours cette double évocation s'inscrit dans une posture intérieure subtile qui demande des ajustements permanents, voire des vérifications auprès des parents: "c'est bien cela que vous ressentez en ce moment ?"


Cela nécessite une grande vigilance à ne donner la primauté ni à la culpabilité ni à la fierté, ni au chagrin ni à la joie, mais à accompagner le va-et-vient régulier entre ces deux types de ressentis. Comme s'il fallait en quelque sorte, pour les soignants, faire en permanence. un « grand écart psychique », entre vie et mort, en essayant de ne pas basculer d'un côté ou de l'autre du fil du rasoir.
Lorsque le cas se présente en anténatal, certains parents ont un très fort besoin de se protéger pour pouvoir poursuivre la grossesse avec un minimum de sécurité intérieure. L'évaluation régulière, avec eux, de leurs besoins, de leurs demandes doit guider le suivi des soignants. Certains parents désirent parler des deux bébés, d'autres préfèrent à ce moment là de la grossesse porter leur attention sur le jumeau en bonne santé. Certains souhaitent anticiper l'évolution de la grossesse, d'autres au contraire ont besoin de s'en protéger.


Quoiqu'il en soit, avant ou après la naissance, être dans une certaine disponibilité intérieure et une certaine proximité émotionnelle, sans être envahi par les émotions de l'autre n'est jamais facile pour les soignants, jamais définitivement acquis. Cela demande un travail certain et constant sur « la bonne distance émotionnelle » à maintenir.
Les parents ont besoin que les professionnels soient prêts à s'engager à être à leurs côtés. Être à leurs côtés pour témoigner de la complexité de ce qu'ils vivent. Etre à leurs côtés à la fois pour les aider à affronter la mort de leur bébé et la fois pour les aider à entrer en relation avec leur bébé vivant. C'est dans la sécurité de ce lien empathique avec les professionnels que les parents pourront progressivement reprendre confiance en eux et retrouver un certain niveau de sécurité intérieure. C'est important pour eux, c'est important pour leur jumeau vivant, et pour leurs autres enfants, nés ou à naître.

 

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Impact psychologique des jumeaux sur les enfants et leurs parents

 


L'arrivée de jumeaux dans une famille représente une situation bien spécifique. Elle entraîne pour les parents des difficultés psychosociales variées, aussi bien sur le plan économique et matériel qu'en ce qui concerne la lourdeur des tâches de maternage, provoquant ce que certains ont appelé le « stress des naissances multiples ». Par ailleurs, il existe des difficultés éducatives et psychologiques directement liées à la relation parent jumeaux, à la question de l'individualisalion des jumeaux et du lien gémellaire.


En nous fondant sur les nombreux travaux publiés sur les jumeaux et sur notre expérience clinique, nous allons décrire les particularités de la grossesse gémellaire, la période périnatale et la première année qui suit la naissance. Puis nous nous pencherons sur la spécificité de la relation mère-jumeaux et sur les difficultés qu'elle engendre pour la mère. Nous aborderons enfin la problématique de la construction de l'identité chez les jumeaux.


1. La grossesse et l'accouchement
La plupart des études évoquent la grossesse gémellaire comme une épreuve marquée de difficultés physiques et
psychologiques. Les complications médicales sont plus fréquentes en cas de grossesse gémellaire. Les hospitalisations prénatales sont souvent mal vécues car elles provoquent la séparation d'avec le conjoint et les autres enfants. En cas d'accouchement par voie basse, le protocole médical est strict, en raison des risques spécifiques liés à l'accouchement gémellaire, et il ne laisse pas toujours la place à la dimension psychologique de la naissance. L'accouchement a également plus de chance de se produire par césarienne. Les conséquences maternelles immédiates de la césarienne sont une convalescence plus longue et des contacts et un maternage différés, surtout si les enfants sont hospitalisés dans un service de néonatologie.


2. L'hospitalisation des enfants et le post-partum
Même si l'état de santé des bébés n'est pas alarmant, être séparée d'eux est toujours vécu douloureusement par la mère. La séparation rend aussi plus difficile des mécanismes d'attachement déjà complexes. Il peut aussi arriver que l'un des enfants soit hospitalisé, tandis que l'autre reste avec sa mère. Cette séparation des jumeaux complique encore le processus d'attachement et implique des difficultés d'organisation et de gestion du temps. Les résultats «études sont cependant contradictoires certaines mères s'attacheraient plus à l'enfant qui est rentré, tout en se sentant coupables de laisser l'autre aux soins des médecins, tandis que d'autres s'attacheraient davantage à celui qu'elles considèrent en danger au détriment de celui qui va bien.
Un point important dans les jours qui suivent la naissance est la difficulté pour la mère à reconnaître ses jumeaux, a fortiori s'ils sont identiques. D'après notre expérience, cette difficulté constitue souvent pour elle une blessure narcissique parce que c'est une atteinte à sa fonction de mère. Certaines mères par exemple ne reconnaissent leurs enfants que de face et quand les deux sont présents, d'autres ne les reconnaissent pas quand ils sont endormis. Ces phénomènes sont normaux au début et disparaissent avec le temps.


3. Le retour à la maison et la première année
Toutes les publications montrent que l'arrivée de jumeaux dans une famille provoque des difficultés économiques, sociales et psychologiques dans les mois et les années qui suivent la naissance. Elle provoque une surcharge de travail pour la mère travail domestique et soins des bébés. Par exemple Robin et al. ont observé qu'au retour de la maternité les mères de jumeaux doivent donner en moyenne 14 biberons par 24 heures. La quantité de soins à consacrer aux enfants (repas, toilette, changes, entretien du linge) est évaluée en moyenne à 12 heures quotidiennes auxquelles s'ajoutent les activités domestiques habituelles. Cette surcharge de tâches est source de fatigue physique et «nerveuse». La plupart des mères doivent affronter une réalité qu'elles n'avaient pas anticipée, surtout si elles sont primipares.


Un des problèmes majeurs auquel la mère est confrontée au début est de répondre de façon adéquate à la demande simultanée de deux enfants. La fatigue physique et nerveuse et les tâches matérielles ne lui facilitent pas la rencontre individuelle avec chacun de ses enfants. L'ambivalence maternelle est, dans le cas d'une naissance multiple, amplifiée par le stress et la surcharge de travail, et son versant négatif est exacerbé.
Même lorsqu'elle a la possibilité de passer du temps avec l'un des jumeaux isolément, le second est présent dans son psychisme, car elle sait qu'elle devra bientôt s'en occuper et refaire les mêmes gestes avec lui. Elle est donc partagée et ne peut pas vivre la relation fusionnelle des premiers mois avec chaque enfant. Ceci peut entraîner chez elle des sentiments de frustration et de culpabilité.
Dans une étude sur 200 familles de jumeaux, Robin et Casati ont constaté qu'un quart des mères avaient un vécu dépressif au cours des premiers mois. Thorpe et al. ont observé qu'à cinq ans les mères dejumeaux avaient trois fois plus de risque que les mères de singletons de souffrir de dépression. La dépression a sans doute des origines multiples, telles que la fatigue, le stress, le renoncement à une relation dyadique idéalisée et la difficulté à trouver sa place de mère.
La souffrance psychique et la fatigue des mères pourraient également accroître le risque de maltraitance. Informations et soutien psychosocial doivent donc être prodigués aux familles.


4. Les relations mere-jumeaux dans la première année
Les travaux de Zazzo ont insisté sur la nécessité de «dégémelliser» et d'éviter l'"autosuffisance" du couple gémellaire. Plus les parents consacreront de temps à chacun séparément, plus ils faciliteront leur autonomie future. Moins ils auront réussi à leur donner de l'amour individuellement, plus le groupe sera soudé. Les jumeaux créeront une relation de couple qui modèlera la personnalité de l'un vis-à-vis de l'autre et les rendra autosuffisants. Plus les jumeaux sont soudés, plus ils sont différents dans une savante répartition des tâches, avec par exemple « un ministre des affaires extérieures et un ministre des affaires intérieures ». C'est ce que Zazzo a appelé le « paradoxe des jumeaux".
Au cours de la première année, Robin et al. ont décrit chez les mères des comportements différents dont les deux pôles extrêmes seraient la collectivisation ou « gémellisation précoce » d'une part et l'individualisation d'autre part. Dans le premier cas, les jumeaux sont traités comme une entité. Dans l'autre cas, la mère cherche à tout prix à établir une relation individualisée. Entre ces deux extrêmes, il y a des attitudes intermédiaires. L'attitude qui consiste à « collectiviser » serait plus fréquente chez les mères fatiguées ou déprimées. D'après notre expérience, dans les mois qui suivent la naissance nous avons le sentiment que la mère ne peut investir ses jumeaux que collectivement. On observe d'ailleurs très fréquemment des conduites égalitaristes des parents de jumeaux qui les poussent à doubler leurs attitudes par peur de donner moins de temps, moins de jeux, moins de mots à l'un qu'à l'autre. L'individualisation ne viendrait que plus tard.


5. Les relations des enfants entre eux
Dans les légendes ou les mythes, le lien gémellaire apparaît souvent comme un lien excessif: soit comme un amour très fort, indissoluble et souvent idéalisé, soit comme asymétrique et destructeur pour l'un des jumeaux.
Certains parents vont vouloir préserver à tout prix le lien gémellaire qui renvoie à une notion d'amour fusionnel. Ce lien appelé par certains « cordon gémellaire » est d'une extrême richesse lorsqu'il n'isole pas des autres. Le psychisme de chaque jumeau va se construire avec cette donnée là. Certains parents donnent l'impression de vouloir renforcer ce lien entre les enfants comme pour compenser ce que Alby a décrit comme une « carence maternelle de fait ». Les résultats d'une étude de Robin illustrent l'importance de ce lien. Elle a en effet observé que les parents qui favorisent de courtes séparations pendant les premières années n'ont pas pour autant des enfants plus indépendants l'un par rapport à l'autre. Être toujours ensemble n'entraînerait donc pas forcément une perte d'autonomie ; l'indépendance vis-à-vis du co-jumeau pourrait aussi s'acquérir à partir de la base sécurisante que constituerait sa présence permanente pendant la petite enfance.
À coté de cet aspect « positif » du lien gémellaire, on a décrit des relations marquées par la « dominance » d'un jumeau par rapport à l'autre. Elles sont souvent considérées comme négatives par les parents car révélatrices dune asymétrie s'opposant à leurs préoccupations égalitaristes. Cependant, dans la prime enfance, la répartition des rôles n'est pas identique dans toutes les situations et n'est pas établie dc façon définitive. Dans notre expérience, une agressivité on une dominance trop grande entre les jumeaux sont en général à entendre comme un signal d'alarme avertissant que l'ouverture du couple gémellaire vers l'extérieur est insuffisante.


Zazzo examinant les facteurs enjeu dans la formation de la personnalité des jumeaux a décrit, outre les facteurs genetiques et environnementaux, un troisième facteur qu'il nomme « effet-de-couple ». La situation gémellaire définit une structure de couple qui modèle la personnalité. Pour lui, la personnalité des jumeaux se forme et se transforme dans et par le couple. Il a observé que ce qui est vrai d'un couple de jumeaux l'est pour tout autre couple.


6. Conclusion
Les études montrent les difficultés matérielles et psychologiques rencontrées par les mères de jumeaux et la complexité de la relation mère-jumeaux. Le développement harmonieux des enfants au sein du couple gémellaire et l'acquisition de leur identité passent par des attitudes parentales qui favorisent leur individualisation. Il est important que les différents intervenants qui prennent en charge ces familles connaissent les problèmes qu'elles peuvent rencontrer. Il est aussi essentiel d'améliorer la façon dont elles sont aidées par nos institutions, en particulier sur le plan matériel, pour soulager la charge de travail et le stress des mères dans les premiers mois. Il faudrait aussi faciliter l'aide psychologique dans le cadre de consultations spécialisées pour enfants multiples. comme il en existe déjà, pour soutenir les mères et prévenir les troubles de la relation mère enfants. Une sensibilisation des parents à a spécificité du couple gémellaire et au besoin d'individualisation des enfants pourrait y être favorisée.


M.Garel, E.Charlemaine, N.Blondel

Inserm U149, 15 avenue Paul Vaillant Couturier-94807-villejuif et Consultation d'enfants multiples, maternité Port-Royal, pavillon Valancourt, 123 boulevard Port-royal, 75014-Paris

Article publié dans Archives de pédiatrie, Editions elsevier, 2004.03.069

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Quelles aides pour les parents de jumeaux : conseils pratiques

 

Lorsqu'une grossesse s'annonce multiple, c'est une aventure hors du commun qui démarre. Il y a aujourd'hui en France de plus en plus de naissances de jumeaux;il s'agit donc d'établir un état des problèmes rencontrés afin de répondre au mieux, matériellement et psychologiquement, à ces familles.
Cela peut paraître paradoxal, mais une femme enceinte de triplés est tellement sensibilisée qu'elle anticipe son retour à la maison, alors qu'une maman de jumeaux vivant un événement quasi commun ne s'imagine pas la quantité de travail et il n'est pas rare qu'elle soit désemparée lors de son retour à la maison.


Il y a eu en 1997, 10 500 naissances de jumeaux, soit 1,43 % des naissances, et ce chiffre ne cesse d'augmenter. Voici trois réactions recueillies par une association Jumeaux et plus auprès de ses adhérents, celle d'un médecin, d'une mère et d'un père. Ces témoignages en disent long.

- Plutôt froide et peu loquace, la femme médecin annonce sans aucun ménagement: "J'en vois 3 à droite". Le père quitta la salle d'examen avec sa fille de 17 mois, avant de savoir combien elle pouvait en "voir à gauche". Quant à sa secrétaire, se voulant rassurante: "De toute fa,con, vous pourrez toujours faire une réduction embryonnaire." Les futurs parents étaient abasourdis.
-"Après l'échographie m'apprenant que j'attendais des vrais jumeaux, j'étais si heureuse que j'ai embrassé la première personne qui passait dans la rue".
-"11 va falloir acheter une nouvelle voiture"

L'effet de surprise

Pour tous les parents, quels que soient le contexte et l'histoire du couple, apprendre qu'il y a deux ou trois bébés dans le ventre de la maman est une surprise. Une surprise de taille, bonne ou moins bonne selon les personnes.
La surprise est là et les questions affluent. "Qu'est-ce qui m'arrive ? " "Génial, on va en avoir deux d'un coup!" "Comment vais-je m'en sortir?" ou "Je ne vais jamais y arriver"...
Tout bascule, nous sommes deux, nous serons quatre, ou nous sommes trois, nous serons cinq! C'est le grand chamboulement, psychologiquement et matériellement; il va falloir tout assurer, tout assumer pour deux ou trois bébés. Les parents devront à la fois préparer l'autonomie de leurs enfants vis-à-vis d'eux mais aussi avec leurs frères et sœurs, d'essayer d'avoir une relation individuelle avec chacun.
C'est pourquoi les parents de jumeaux et de triplés ont décidé de se regrouper au sein de l'association Jumeaux et plus. Ils peuvent avoir des échanges avec d'autres parents de multiples qui ont un parcours semblable, s'enrichir de l'expérience de l'autre. Ces moments feront d'autant plus sentir leur nocessité à certaines étapes de la vie de la famille, lors de périodes clé comme l'entrée à la crèche ou à l'école ou à propos de questions comme l'allaitement, le langage, la séparation...

Profiter


Tant que les enfants ne sont pas nés, il faut en profiter. Rien ne sera plus comme avant, alors il s'agit de savourer le présent. A deux si ce sont les aînés ou en famille, se divertir, faire le plein de ballades, de ciné, de restaurants, faire le plein de ce que l'on aime et surtout de repos. Le repos évite la prématurité. Chaque jour gagné pour les bébés est profitable. Aucun appareil ne remplace le ventre de la mère. Nous essayons de sensibiliser les familles sur les risques d'une grossesse multiple. Le choix de la maternité est important pour un bon suivi et aussi pour un accueil compétent dans un établissement possédant le matériel nocessaire en cas naissances prématurées. La prise en charge des enfants se fera alors sur place et évitera bien d'autres soucis. A ce titre, aux côtés du corps médical, certaines associations Jumeaux et plus participent aux réunions d'informations destinées aux futurs parents de jumeaux dans les maternités spécialisées.

 

Organiser


Ce temps de la grossesse est aussi le temps de l'organisation. Tout ce qui peut être fait avant sera grandement profitable et soulagera les parents en temps voulu. Quoi par exemple ? Côté administratif il y a beaucoup a faire. Auprès de l'employeur du père et de celui de la mère pour le congé de paternité et pour le congé de maternité. A partir de janvier 2002, le congé paternel pour une naissance devient de 15 jours au lieu de trois jours actuellement. Cependant, rien n'est spécifié en cas de naissances multiples; à négocier donc au cas par cas avec son employeur. Contacter sa mutuelle est important, car dans certains cas une prime de naissance est accordée. Certaines villes ou départements accordent une allocation spécifique en cas de naissances multiples, le tout est de la demander à temps. Les prestations familiales seront aussi les bienvenues, la grossesse doit être déclarée avant la fin de la 14e semaine.

Avant l'arrivée des bébés à la maison, il est bon de prévoir une aide à domicile. Une travailleuse familiale pourra intervenir dans la famille et soulager la maman tant dans les opérations ménagères qu'auprès des enfants. Cette aide est à envisager vers le 7e mois de grossesse, les besoins devront être bien définis au départ avec l'organisme de façon à bénéficier d'une prestation bien adaptée. Notons que ce type d'aide est accordé avant la naissance en cas de difficulté spécifique ou sur prescription médicale, que s'il n'y a pas d'enfant au foyer c'est une aide ménagère qui intervient et participe alors uniquement aux tâches ménagères: courses, repassage, ménage quotidien, préparation des repas... L'aide ménagère ou la travailleuse familiale interviennent en journée (huit heures) ou en demi-journée (quatre heures) selon les besoins. La famille participe financièrement en fonction de son quotient familial et de ses ressources.

Les parents doivent prévoir très tôt le mode de garde, l'Allocation Parentale d'Education étant la même si l'on élève 1, 2 ou 3 bébés, la majorité des mamans retravaillent. A la différence des autres familles, les enfants sont très rarement gardés par une assistante maternelle ("nourrice"), car il y a rarement deux places disponibles simultanément. Les familles vont choisir la garde à domicile ou la crèche. Les inscriptions en crèches sont à faire avant la naissance des enfants de façon à être certain d'avoir des places, tout comme l'inscription en halte-garderie
qui, elle, se fait juste après la naissance. Dans certaines communes, les multiples sont prioritaires tant en crèche qu'en garderie, il est important d'être bien renseigné, mais aussi de ne pas hésiter à prendre son crayon et écrire au maire en cas de blocage.

Préparer son retour à la maison


1. - Quelques chiffres

Lors du premier mois les jumeaux, demandent entre 360 et 480 biberons/tétées et 420 à 480 couches. Pour les triplés, il faut compter dans le premier mois entre 540 et 720 biberons/tétées et 630 à 720 couches. Tenir un cahier ou avoir un tableau sur lequel tout sera noté, consigné enfant par enfant, car il arrive que les parents ne sachent plus qui a bu à telle heure ou a pris tel médicament. I1 n'est pas rare de ne plus savoir où l'on en est... La fatigue est là et tout moment de repos possible doit être pris, même vingt minutes de sommeil sont réparatrices. Côté pratique aussi, il est plus simple d'attribuer à chaque enfant ses biberons, à chacun sa couleur, par exemple, et de ne pas changer. Ce sera aussi pratique pour les autres personnes qui s'occuperont des enfants.
En ce qui concerne les nuits, se faire aider par des élèves infirmières est une bonne chose et moins onéreuse qu'une garde de nuit. C'est une idée de cadeau de naissance ! Et dans la mesure du possible, savoir gérer les visites qui n'en finissent pas et deviennent vite envahissantes.

2. - Garder son calme et sa sérénité
Etre enceinte de jumeaux n'est pas anodin. Et comme toute femme enccinte, une future maman de jumeaux est susceptible, sensible, peut être irritable et souvent inquiète. n est fréquent pour ces femmes d'être très rondes (vers 6 ou 7 mois elles sont physiquement au même stade qu'une femme enceinte d'un enfant à terme), voire impressionnantes, et d'entendre "Oh! la la! Qu'est-ce qu'il est gros votre ventre! C'est pour bientôt?" Alors qu'il reste encore plus de deux mois de grossesse. Ou "Ton ventre est bien descendu depuis la sernaine dernière! Tout
va bien ? " Dans ce genre de situation, la solution est d'être rassurée par une personne d'autorité, sage-femme ou gynocologue.
Garder confiance en soi, faire pour le mieux comme on le pense et ne pas se laisser démonter par l'entourage n'est pas forcément facile. "L'extérieur" pense que les biberons sont l'épreuve la plus dure pour les parents; en réalité, c'est une fatigue physique. Par contre, quand les enfants auront 18 mois-2 ans, la fatigue est à la fois physique et morale. Les jumeaux peuvent vider une bibliothèque 5 fois en une heure, ils demandent une grande surveillance dans les jardins, la rue... les mamans sont beaucoup plus épuisées et surtout incomprises. Consciente de ce problème et pour répondre à une certaine demande et aider les parents de multiples au quotidien, I'association Jumeaux et plus de Paris à mis en place une permanence de soutien psychologique hebdomadaire. Les parents peuvent poser leurs questions par téléphone ou prendre rendez-vous auprès d'une psychologue. Les petits soucis de tous les jours peuvent être résolus facilement et rapidement. Cette permanence remporte un beau succès.

3. - Et le couple dans tout ça ?
L'arrivée de deux ou trois bébés dans un foyer bouleverse la vie du couple qui brutalement va tout centrer sur ces "nouveaux venus". Dans le meilleur des cas, les parents mettront quatre mois pour retrouver la forme, cela peut être beaucoup plus long et c'est souvent le cas. Le sommeil et l'alimentation des bébés y sont pour beaucoup. D'où l'importance d'être aidé. Se retrouver à deux, en amoureux, pour une simple ballade, une petite sortie et discuter entre adultes devient compliqué mais s'avère essentiel pour le couple. Il s'agit donc de penser à la grand-mère, la cousine, l'amie ou toute personne de l'entourage à qui les enfants pourront être confiés pour quelques heures et savoir accepter toute aide proposée.

4. - Le matériel de puériculture
Côté matériel, comme pour une naissance unique, le minimum est à prévoir à l'avance. Lits, baignoire, vêtements, biberons, transats, poussettes... sont les objets courants. Nous conseillons beaucoup d'avoir un "maxi-cosi" par enfant. Comme tout doit être prévu en double, l'achat d'occasion ou à bons prix s'impose afin de ne pas faire exploser le budget. Petites annonces, bourses aux vêtements et autres braderies aident beaucoup; le bouche à oreille et la location aussi. D'autant que le matériel représente une dépense à un moment donné alors que le consommable revient quotidiennement. Couches et lait maternisé sont un gros budget.

Il est important de préciser que l'Allocation Pour Jeune Enfant (APJE) est versée pendant la grossesse à partir du 5e mois et jusqu'aux trois ans de l'enfant, mais si les bébés naissent prématurément, les parents perdent 2 ou 3 mois de prestations (soit 1009 F par enfant et par mois), alors qu'ils ont plus de charges qu'une autre famille. D'autre part, I'APJE n'est versée pendant la grossesse que pour un enfant, car la mention jumeaux n'existe pas sur la feuille de déclaration de grossesse. Un seul enfant est considéré et le second le sera après la naissance. Une mise à jour de ces feuilles de déclaration serait profitable et nécessaire afin d'identifier ces grossesses à risques le plus tôt possible.
Le choix de la poussette est un choix réfléchi. Passera-t-elle dans l'ascenseur, est-elle facile à plier, rentre-t-elle dans le coffre de la voiture... toutes les questions doivent être posées afin de faire le bon choix. A Paris, une famille sur deux à des difficultés pour sortir de chez elle: pas d'ascenseur ou taille trop petite. Il en résulte un isolement des mamans. Avez-vous déjà vu une femme avec deux bébés en kangourou ou descendant les escaliers du métro avec une poussette double ?

5.- Du bonheur,beaucoup de bonheur!
Magie du début, observer ses deux bébés à la maternité, se retourner et en voir deux, est-ce possible ? Ils sont à nous ! Il reste toujours un côté magique, fantastique, irréel et fascinant. S'ils sont en couveuse, l'effet est le même, ces petits êtres là étaient dans le même giron et ils vont grandir avec nous. Beaucoup de rires, de cris de joie, une complicité particulière sont aussi le quotidien d'une famille de jumeaux. Lorsqu'ils commencent à crapahuter à quatre pattes à travers toute la maison où lorsqu'ils se mettent debout pour la première fois dans leur lit et découvrent leur frère ou sœur juste à côté et
éclatent de rire sont des moments inoubliables. Les familles de multiples divorcent moins que les autres familles, le père a un rôle important, il est forcément investi auprès de ses enfants et dans le fonctionnement de la maison. Le père est amené à faire du maternage au début; le couple se soutient, il est renforcé. Il est fréquent que les parents de multiples se fassent arrêter dans la rue, la très longue ou très large poussette interpelle. "C'est à vous tout ,ca ?!! " ou "Qu'ils sont beaux, ce sont des vrais ?" ou "Comment vous faites, ,ca doit être fatiguant!"

Selon les jours, ces propos agacent ou amusent, toujours estil que cela dure assez longtemps, jusqu'à l'abandon de la poussette; les jumeaux passent alors plus inaperçus. Petit à petit les enfants grandissent et nous, parents, tendons à oublier leur gémellité; avant tout, nous sommes parents de deux ou trois enfan

N.s.: La loi de finance 2002 pour la Sécurité sociale adoptée par l'Assemblée nationale début décembre 2001 porte le congé paternel à 18 jours + 3 jours en cas de naissance multiple, soit trois semaines (11 jours + 3 jours pour un singleton).
PAPIERNIK E., PONS J.C. Les grossesses multiples, Editions Doin.
PAPIERNIK E., ZAZO R., PONS J.C., ROBIN M. Jumeaux, triplés et plus, Editions Nathan.
ZAZO R. Les jumeaux, le couple et la personne, Editions RU.F.
COLLIN C. Tout ce que VOUS voulez savoir sur les jumeaux, Editions Mango

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Quelques adresses utiles

 

Fédération Jumeaux et plus
28 place Saint Georges
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Tél : 01 44 53 06 03

Jumeaux et plus
l'association de Paris

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*GPSR : Groupement des Pédiatres Strasbourgeois exerçant la Réanimation
Unité de Néo-Natalogie - Clinique Sainte Anne