Les progrès de
la génétique moderne ont bouleversé
la pratique de la médecine. Grâce à
l'essor de la génétique moléculaire
il devient possible de reconnaître les personnes
exposées à développer une maladie
génétique et de répondre à
la demande des personnes confrontées à
une maladie génétique et qui souhaitent
connaître leur statut génétique
personnel ou celui de leurs enfants nés ou à
naître.
Le projet "génome humain"
a entraîné une explosion des connaissances
en génétique humaine et plus particulièrement
dans le domaine des maladies génétiques.
Une des conséquences de ce projet a été
et est le développement de nouvelles technologies
qui rendent possibles la diffusion de tests génétiques,
c'est à dire d'informations dérivées
de l'analyse de 1'ADN.
Les tests génétiques
Les tests génétiques
ont pour but d'indiquer si le génotype de l'individu
est pathologique en cas de maladies monogéniques
ou d'aberration chromosomique ou si le sujet a des gènes
de susceptibilité en cas de maladie multifactorielle
(diabète, hypertension artérielle, infarctus
du myocarde...).
I1 en découle que la pratique
d'un test génétique implique une information
du sujet, son libre choix et son consentement.
La prescription d'un test génétique
chez ces patients a un intérêt triple:
confirmer le diagnostic d'une maladie génétique
chez un sujet symptomatique (Ici on rejoint la démarche
diagnostique et biologique classique); améliorer
le conseil génétique en précisant
mieux le risque pour la descendance de sujets habituellement
sains et qui le resteront mais qui sont porteurs à
l'état hétérozygote d'une mutation
(Ici le test permettra le diagnostic prénatal
ou pré-implantatoire.
La loi encadre le diagnostic prénatal
et l'interruption de grossesse qui éventuellement
s'ensuivra et le diagnostic pré-implantatoire);
définir si une personne à risque asymptomatique
est ou non porteuse d'un gène délétère
(d'une mutation) afin de la prendre en charge et de
la traiter, lorsqu'un traitement est disponible, dans
les meilleures conditions avant l'apparition des premiers
signes de la maladie.
Lorsque l'on parle aujourd'hui de tests
génétiques, c'est surtout à cette
catégorie de sujets que l'on se réfère
et on parle de test présymptomatique.
La prescription et la réalisation
d'un test présymptomatique ne peuvent être
faites que dans l'intérêt des patients,
le sujet à risque pouvant passer de cet état
à celui de sujet porteur et ensuite de sujet
malade.
Le test génétique
présymptomatique
Le diagnostic de maladie génétique
peut concerner toute une famille. Certains apparentés
"à risques" sont en réalité
soit porteurs du gène muté, soit non porteurs.
Ce risque peut les concerner eux-mêmes
ou uniquement leurs enfants nés ou à naître.
Pour certaines maladies, un test génétique
permet de répondre à leurs interrogations.
Si informer les sujets à risque peut sembler
nécessaire, une personne malade ne souhaite pas
toujours transmettre cette information à ses
apparentés, une personne à risque n'est
pas toujours prête à la recevoir.
Passer du statut de "sujet à
risque" à celui de "sujet porteur",
c'est quitter une situation probabiliste pour vivre
dans la certitude d'avoir un gène défectueux,
les conséquences étant différentes
selon le mode de transmission génétique
de la maladie.
Passer du statut de "sujet à
risque" à celui de "personne malade",
c'est constater l'apparition des premiers signes de
la maladie et vivre une situation nouvelle, douloureuse
en l'absence de thérapeutique efficace.
Ce statut ne peut qu'entraîner
un changement radical, dans la vie quotidienne, impossible
à préciser.
Test présymptomatique, test
de prédisposition ou test de susceptibilité
?
Le test présymptomatique concerne
une personne exposée à développer
une maladie monogénique, à manifestation
plus ou moins tardive et à expression variable.
Celle-ci peut bénéficier
du test si elle est désireuse de connaître
son statut, soit parce que son père ou sa mère
(ou un parent plus éloigné) sont atteints
d'une maladie autosomique dominante (polypose adénomateuse
familiale, maladie de Huntington, maladies neurologiques
diverses, myotonie de Steinert, myopathie facio-scapulo-humérale,
cardiomyopathies...) soit parce qu'un(e) de ses germain(e)s
est atteint(e) d'une maladie récessive autosomique
(hémochromatose).
Ce test permet de dire si la personne
testée a une grande probabilité de développer
la maladie ou si elle n'encourt aucun risque. Pour certaines
pathologies, un diagnostic présymptomatique permet
de mieux suivre et de mieux traiter le sujet exposé
à la maladie: saignées répétées
afin d'éviter la cirrhose et un cancer hépatique
chez le sujet atteint d'hémochromatose, exérèse
chirurgicale de polype pour faire face au cancer colique
chez le sujet, même jeune, ayant une polypose
familiale.
En l'absence de thérapeutique
(chorée de Huntington...), le diagnostic présymptomatique
ne se conçoit que chez l'adulte souhaitant connaître
son statut: ses motivations doivent être claires
et il doit être capable de faire face à
un "résultat défavorable".
La prescription du test doit être
faite, dans le cadre d'une prise en charge globale,
par une équipe pluridisciplinaire (avant, pendant
et après le test) (décret n° 2000-570
du 23 juin 2000 et arrêté du 2 mai 2001).
Test de prédisposition ou
test de susceptibilité ?
La situation est différente
selon la maladie d'origine multifactorielle concernée:
dans certaines familles, l'affection peut relever d'un
gène unique et se transmettre de la même
façon qu'une maladie monogénique.
Un ou plusieurs gènes différents
ont été localisés et identifiés
(cancer du sein, cancer du côlon, diabète
insulino-dépendant, maladie d'Alzheimer, sclérose
latérale amyotrophique par exemple).
Dans une famille où la mutation
d'un de ces gènes est identifiée, il est
possible de reconnaître les personnes particulièrement
exposées à manifester l'affection. Trouver
une mutation du gène BRCA1 (???) ou BRCA2 (???)
permet une surveillance plus précoce et plus
rigoureuse des personnes à risque de développer
un cancer du sein ou de l'ovaire.
En revanche, la personne qui n'est
pas reconnue porteuse de la mutation familiale demeure
exposée à développer un cancer
du sein comme n'importe quelle autre femme et ne peut
être rassurée contrairement à une
personne à risque non reconnue porteuse de la
mutation instable spécifique de la maladie de
Huntington. Dans ce cas, il apparaît correct de
parler de test de prédisposition.
Certaines maladies dites communes sont
sous la dépendance conjointe de plusieurs gènes
et de facteurs d'environnement.
L'anomalie d'un seul gène n'est
pas suffisante pour entraîner un processus pathologique
mais dans un contexte environnemental particulier, une
anomalie de plusieurs de ces gènes peut le déclencher.
L'ensemble de ces facteurs constitue un terrain de susceptibilité
génétique que peuvent partager des membres
d'une même famille.
Etre porteur d'un marqueur (ou même
de plusieurs) n'augmente que de peu la probabilité
de développer la maladie.
Ce test doit être considéré
comme un test de susceptibilité.
Réaliser un test présymptomatique
Les enjeux d'un résultat défavorable
du test présymptomatique varient selon la maladie,
sa gravité, la pénétrance du gène,
la possibilité de traitement préventif
et/ou curatif.
La pratique du test pour la maladie
de Huntington reste un modèle.
En l'absence de traitement et donc
de bénéfice médical patent, des
questionnements d'ordre éthique sont nombreux.
D'où l'importance de respecter
certains principes: le droit de savoir ou de ne pas
savoir, l'autonomie de l'individu, le recueil du consentement
éclairé, le bénéfice personnel
à tirer du test, la confidentialité, l'égalité
d'accès.
A ces principes s'en ajoutent deux,
la prise en charge du demandeur du test par une équipe
pluridisciplinaire et la nécessité de
ne pas précipiter la démarche: l'équipe
pluridisciplinaire comprend un généticien,
un spécialiste d'organe, un psychologue, un psychiatre
si besoin, une assistance sociale; disposer de temps
est un élément capital dans la prise de
décision.
Le demandeur peut, s'il ne se sent
pas prêt, abandonner à tout moment la procédure,
de façon temporaire ou définitive.
La période préalable
au prélèvement est essentielle.
Celle qui suit le résultat est
aussi importante.
Diffuser l'information dans la famille
L'information des parents est un devoir
pour le médecin. Pour faire passer au sein d'une
famille le message du risque d'une maladie génétique,
les patients sont les seuls informateurs possibles de
leurs parents.
Tout autre moyen irait à l'encontre
du respect du secret médical.
Si une information doit être
communiquée, le médecin ne saurait manifester
directement son intérêt aux personnes qui
doivent la recevoir. I1 ne les connaît pas et
ne peut faillir au secret médical.
Pour les informer, le médecin
doit demander à son patient de lui servir de
messager. Or, ce messager n'a pas une bonne nouvelle
à transmettre.
Accepter un test génétique
au bénéfice des autres
Certaines personnes de la famille n'ont
pas d'intérêt personnel à réaliser
un test génétique, parce qu'elles ne sont
pas exposées à développer la maladie
ou à la transmettre. Et pourtant, l'étude
de leur ADN est précieuse pour les personnes
à risque de la famille.
La découverte de la ou des mutation(s)
chez la personne malade permettra de développer
un test génétique fiable pour les parents
à risque.
Le test génétique
chez l'enfant mineur
La question se pose alors du but dans
lequel est demandé le test. La loi prévoit
qu'un test ne peut être fait que s'il y a bénéfice
pour le sujet. Tester un enfant mineur pour mettre en
évidence une mutation génétique
pose trois types de questions.
Tout d'abord, une question éthique:
tester un enfant et connaître son statut le prive
du droit de choisir plus tard de faire ou ne pas faire
le test.
Ensuite, une question psychologique:
la connaissance du résultat d'un test peut perturber
la relation parent-enfant.
Enfin, une question légale:
l'intérêt de l'enfant doit primer sur celui
des parents.
Dans les maladies sans thérapeutique
actuelle et dont l'âge d'apparition est tardif,
un test précoce ne peut être que délétère
et ne doit pas être pratiqué chez un mineur.
Dépistage génétique
et médecine du travail
Le dépistage génétique
dans le monde du travail, pourrait constituer une tentation
pour les employeurs, en particulier lors de l'embauche.
Cela leur permettrait d'exclure les sujets les plus
fragiles, afin de se dégager, en matière
de responsabilité pénale, des questions
de gestion et de prévention professionnelles
qui pourraient leur être imputées.
Ces pratiques, admises aux Etats-Unis,
ne sont pas tolérées par la Communauté
européenne: la législation y a été
fortement encadrée, notamment en France.
Le dépistage systématique
ne figure pas parmi les missions du médecin du
travail. Lors de l'embauche, l'aptitude médicale
à l'emploi ne relève que de lui.
Toutefois, lorsque la probabilité
d'une maladie lice à la fois à une prédisposition
génétique et à l'environnement
du travail (polymorphismes génétiques
et cancers professionnels ou maladies génétiques
latentes et emplois, par exemple), est très grande
alors qu'elle ne l'est pas pour les autres travailleurs,
et que cette maladie présente pour lui un danger
sérieux sans qu'il soit possible de le réduire
ou de le supprimer en modifiant l'environnement, il
peut être admis que le médecin du travail
prescrive des tests génétiques permettant
de déceler cette susceptibilité.
La loi l'autorise en effet à
prescrire des examens complémentaires nécessaires
à la détermination de l'aptitude médicale
au poste de travail et notamment au dépistage
des affections comportant une contre-indication à
ce poste de travail (article R.241-52 du code du travail),
examens dont l'anonymat doit être respecté.
Tests génétiques et
assurances
L'utilisation des tests génétiques
ne peut être admise qu'à des fins médicales
ou scientifiques. De ce fait, les tests génétiques
ne peuvent être réalisés à
la demande des assureurs. Le 23 mars 1999, les sociétés
d'assurances, membres de la Fédération
françai3e des sociétés d'assurances
(FFSA), prenaient l'engagement de ne pas tenir compte,
pendant les cinq premières années, des
résultats d'une étude des caractéristiques
génétiques d'un candidat à l'assurance,
même si ceux-ci "étaient communiqués
volontairement".
Mais qu'en sera-t-il dans l'avenir
?
Quelles peuvent être les conséquences
du résultat d'un test génétique
pour les personnes reconnues porteuses d'un gène
muté dans une famille à risque ? Un refus
de contracter une assurance ? Une majoration des primes
?
Pour les membres de la famille qui
seraient reconnus comme non concernés par la
maladie: une baisse de la prime.
En dépit d'un test positif,
le risque pour une personne de développer une
maladie peut rester faible ou difficile à estimer
du point de vue scientifique. En revanche, pour les
assurances, le fait que ce risque soit multiplié
par deux apparaît comme important. ~
Pr Claude Stoll,
Service de génétique médicale,
hôpital de Hautepierre, strasbourg
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