La fièvre: ce qu'il
faut faire et ce qu'il ne faut pas faire: données nouvelles
L'hyperthermie
de l'enfant ne doit être traitée que pour
améliorer le confort du malade. Aucune preuve
scientifique de l'effet bénéfique des
antipyrétiques sur la prévention des
convulsions hyperthermiques ne permet de justifier
ce traitement de façon systématique.
L'AFSSAPS a
publié en janvier
2005 une mise au point sur la fièvre de l'enfant
et son lien avec les convulsions hyperthermiques. Ce
travail va à l'encontre
d'une idée reçue depuis des décennies:
la fièvre n'est pas un danger pour l'enfant (sauf
cas très particuliers) et son traitement
ne permet pas de prévenir les convulsions; tout
au plus, il améliore le confort des tout petits.
Dans ces conditions, seuls les enfants dont la température
est de plus de 38,5 °C lorsqu'ils sont normalement
couverts et soumis à température ambiante
doivent bénéficier d'un traitement antipyrétique
dont le dessein ne doit pas être la recherche
systématique de l'apyrexie (normalisation).
Le spectre de
la convulsion hyperthermique était
la motivation majeure des traitements proposés
jusqu'à présent.
Or les experts se montrent tout à fait rassurants à ce
propos. Les convulsions ne surviennent que chez 2 à 5
% des enfants fébriles et ce jusqu'à l'âge
de 5 ans. Un pic d'incidence est relevé entre
18 et 24 mois, en général en cas de prédisposition
familiale ou lorsqu'une convulsion d'autre origine
a déjà eu lieu. Fait important, aucun
des médicaments étudiés ne s'est
révélé plus efficace que le placebo
en matière de prévention des crises convulsives
hyperthermiques.
Certaines
pathologies pourvoyeuses de convulsions. Les
méthodes physiques ne font
pas mieux. Cependant, l'Afssaps rappelle que certaines
pathologies neurologiques (méningites, encéphalites...)
sont pourvoyeuses de convulsion relevant d'un traitement étiologique
urgent. L'un des autres arguments développés
pour justifier la position des experts passe par l'effet
bénéfique de la fièvre dans certaines
infections invasives sévères (purpura
infectieux, septicémie). A
l'inverse, des données
de la littérature indiquent que l'utilisation
d'antipyrétiques pourrait retarder la guérison
de certaines viroses. « II n'existe pas de
données
ayant un niveau de preuve suffisant pour soutenir l'hypothèse
que la fièvre doit être respectée»,
peut-on lire dans le rapport. Dès lors, il n'y
a plus lieu de craindre une hyperthermie chez l'enfant,
la recherche de l'apyrexie n'est pas un but en soi. « Elle
ne doit pas conduire à des traitements systématiques
(notamment pour maintenir l'enfant en collectivité). » A
l'inverse, l'inconfort du jeune patient acquiert toute
son importance. Et le soulagement de la fièvre
peut intervenir face à une diminution de l'activité,
de la vigilance, de l'appétit, des rapports
sociaux ou devant des céphalées ou une
modification de l'humeur.
Ne pas
trop couvrir, aérer
et faire boire. Après avoir recherché la
cause de l'hyperthermie et avoir instauré son
traitement, de quels outils dispose-t-on? D'abord,
de moyens physiques classiques, associés aux
antipyrétiques.
Les experts retiennent qu'il ne faut pas trop couvrir
l'enfant, qu'il faut aérer la pièce et
lui proposer des boissons. Ici, mieux vaut une boisson
bien acceptée qu'un liquide très frais.
La limite de ces moyens physiques tient à l'inconfort
de l'enfant et à leur action limitée
dans le temps. C'est ainsi que le traditionnel
bain à 2 °C
en dessous de la température est relégué au
second plan.
Restent les medicaments. Trois molécules
sont essentiellement utilisées en France. Une
quatrième, le kétoprofène (après
l'âge de 6 mois), reste encore peu utilisée.
Selon les données de la littérature,
l'efficacité de l'ibuprofène, du paracétamol
et de l'aspirine sont identiques. En dose unique,
la première de ces molecules aurait une efficacité majorée
par rapport à l'aspirine. Laquelle, en revanche,
serait plus active sur l'activité et la vigilance,
propriété essentielle lorsque l'on vise
le confort de l'enfant. Mais, pour les experts, ce
sont plutôt les effets indésirables
qui doivent orienter le choix La prescription de
paracétamol
n'est limitée que par deux contreindications:
hypersensibilité à la molécule
et insuffisance hépatocellulaire. Celles des
deux autres principes actifs sont plus nombreuses.
II s'y associe des précautions d'emploi, notamment
la varicelle pour l'ibuprofène et les viroses
(varicelle et épisodes d'allure grippale) pour
l'aspirine. Les associations ou alternances de ces
traitements n'ont pas fait la preuve de leur efficacité.
Les experts concluent sur l'importance d'expliquer
ces recommandations à l'entourage de l'enfant
ou aux personnes chargées de sa garde.
Le sens de la fièvre
Dans notre culture,
la fièvre a une connotation négative,
inquiétante : punition divine, citée
comme telle dans la Bible, souvent associée à
l'Enfer et au Diable, alias le Malin, responsable de
la maladie, souvent l'antichambre de la mort au Moyen
Age, de mauvais présage avant l'avènement
des antibiotiques. De nos jours, au-delà de ce
bagage culturel, un contresens majeur maintient une image
péjorative de la fièvre. Considérée
comme une entité indépendante, elle n'est
pas le témoin mais la cause de la maladie, responsable
de son évolution : " 11 faut que la fièvre
sorte, docteur ! ".
Son traitement résume celui
de la maladie. L'étiologie devient d'un intérêt
secondaire. Son expulsion du corps signe la guérison.
Le discours médical lui-même est ambigu.
Il parle classiquement, concernant l'enfant, de "
bonne ou mauvaise tolérance de la fièvre
", comme s'il s'agissait de l'acceptabilité
d'un phénomène extérieur, comme
on le dit d'un traitement (" il tolère
bien ses comprimés ") ou d'une pathologie
("
son reflux est bien toléré).
La fièvre représente
un motif extrêmement fréquent de consultation
en pédiatrie. Trop souvent, règne autour
de ce symptôme une angoisse excessive fever-phobia
des anglo-saxons). En effet, la fièvre en elle-même
n'est pas dangereuse (sauf si elle atteint ou dépasse
41 °C); ses complications sont rares et une conduite
adaptée doit en diminuer encore l'incidence.
Les convulsions hyperpyrétiques représentent
la plus fréquente de ces complications, et leur
devenir, en règle excellent, doit moduler la
frayeur du moment. C'est dès les premières
consultations que les praticiens s'occupant d'enfants
doivent donner aux parents des explications et des
conseils précis face à ce symptôme
Cette
éducation paraît indispensable : une enquête
effectuée aux urgences d'un hôpital pédiatrique
parisien montre que seulement 55 % des familles d'enfants
fébriles possèdent un thermomètre
et que, parmi elles, 40 % seulement ont pris la température
de l'enfant avant de l'amener en consultation.
Expliquer ce qu'est la fièvre
La fièvre est un symptôme,
pas une maladie. Elle est un signe objectif, facilement
mesurable, précieux pour apprécier l'évolution
d'une affection. Le plus souvent c'est une réponse
normale de l'organisme à une infection, réaction
vraisemblablement utile car renforçant les défenses
anti-infectieuses, notamment par une augmentation de
l'activité des globules blancs.
Les infections à l'origine
des fièvres de l'enfant sont le plus souvent
virales et ont une évolution favorable en deux à
trois jours en l'absence de tout traitement spécifique.
Beaucoup plus rarement, elles correspondent à
une infection bactérienne pour laquelle un traitement
antibiotique peut se justifier. C'est le rôle
du médecin de dépister ces infections
d'origine probablement bactérienne et de prescrire
dans cette hypothèse un antibiotique. Les infections
virales et bactériennes sont plus fréquentes
chez le jeune enfant du fait de l'immaturité
de son système immunitaire. Elles contribuent
aux acquisitions immunologiques de l'enfant en enrichissant
sa banque d'anticorps.
Définir les situations devant
conduire à la prise de la température
Les signes devant conduire à
prendre la température chez l'enfant sont extrêmement
nombreux. Les plus fréquents sont :
- changement de comportement, enfant paraissant grognon
et douloureux;
- toux, écoulement nasal, gêne respiratoire;
- éruption, marbrures cutanées ou pâleur;
- vomissements, diarrhée ou douleurs abdominales;
- enfant paraissant trop chaud ou trop froid.
Tout signe " anormal et inexpliqué,
doit faire prendre la température chez un enfant.
Favoriser une technique de mesure
fiable
La mesure de la température
doit satisfaire à deux critères :
- fiabilité : seules les températures
rectales et tympaniques reflètent au mieux la
température centrale. La valeur des sites cutanés
(front, creux axillaire) est limitée, car la
température mesurée est trop sensible
aux variations de la circulation superficielle;
- acceptabilité : la voie rectale
rencontre souvent une opposition farouche après
deux ans.
Définir la fièvre
La fièvre commence là
où s'arrêtent les variations physiologiques
de la température d'un enfant bien portant.
La distribution de la température
dans une population normale décrit une courbe
de Gauss entre 36,5 °C et 37,5 °C. De plus,
la température s'accroît de 0,5 °C
entre le matin et le soir. Pratiquement, on parle de
fièvre au-delà de 38 °C.
Il faut écarter les élévations
modérées de la température d'origine
hyper thermique, qui peuvent être secondaires
à un exercice physique, à une température
extérieure trop élevée, à
un habillage excessif ou à un bain chaud, ou
qui peuvent suivre, en particulier chez le nourrisson,
une tétée, un biberon ou un apport de
boissons ou de repas chauds.
Expliquer quelles sont les modifications
dues à la fièvre
La pâleur, les frissons, marbrures
et extrémités froides témoignent
de l'ascension de la fièvre, alors que la peau
rouge et chaude signe sa décroissance.
Expliquer pourquoi traiter la fièvre
L'objectif du traitement antipyrétique
n'est pas de normaliser à tout prix la température
mais de limiter les excès de la fièvre
pour, d'une part, diminuer l'incidence des complications
et, d'autre part, améliorer le confort de l'enfant
en neutralisant des douleurs souvent associées
à la fièvre, telles que les céphalées
ou les courbatures.
Exposer comment traiter la fièvre
- dévêtir l'enfant s'il
le tolère.
- maintenir une température
normale de la chambre (19 à 21 °C).
- donner des antipyrétiques
à partir de 38,5 °C à intervalles
réguliers. L'utilisation d'un seul type de médicament
est le plus souvent suffisante. - Si, malgré
cela, la fièvre reste élevée,
le bain est intéressant pour écrêter
un pic thermique et la ventilation prolongée
du visage utile pour augmenter la tolérance
cérébrale.
- proposer à boire souvent,
sans forcer.
- prendre régulièrement
(2 à 4 fois par jour) la température
tant qu'une apyrexie durable n'est pas obtenue.
Préciser quand consulter
La limite à partir de laquelle
une fièvre isolée, sans signes associés
de gravité, justifie une consultation chez le
nourrisson et l'enfant est de 38,5 °C. Bien entendu,
d'autres symptômes associés à la
fièvre peuvent justifier à eux seuls
une consultation. Le tableau I donne, schématiquement,
en fonction des signes cliniques, le degré d'urgence
avec lequel les parents doivent conduire leur enfant
en consultation.
Quand reconsulter ?
- apparition d'un nouveau motif d'inquiétude.
- persistance de la fièvre
3 jours après la première consultation.
- réapparition de la fièvre
après 24 heures d'apyrexie (en dehors des épidémies
de grippe).
Que faire après l'âge
de cinq ans ?
La fièvre est à respecter,
quelle que soit son importance. Seul le confort de
l'enfant guide la prise d'antipyrétiques.
Les convulsions liées
à la fièvre : faut-il traiter par valium
en préventif ? pas systématique
Les convulsions
fébriles surviennent entre l'âge de 6 mois
et de 5 ans (avec un pic entre 1 et 3 ans) pour une
fièvre supérieure à 38 °C,
chez un enfant indemne d'affection neurologique aiguë
ou chronique. Elles sont considérées comme
des convulsions fébriles simples si elles sont
généralisées, de durée inférieure
à 15 mn, sans déficit post-critique et
sans récidive dans les 24 heures.
Le traitement préventif des
convulsions fébriles pose plusieurs questions
dont la plus importante concerne le risque de récidive
d'une convulsion fébrile et sa prévention.
IL est estimé à 30 % selon les différentes
séries. Cinq facteurs de risque se dégagent
(tableau ci après).
- Age < 15 mois
- Antécédents familiaux
au 1er degré d'épilepsie, de convulsions
fébriles
- Episodes fébriles fréquents
- Première convulsion fébrile
complexe focale, récidivante dans les 24 heures,
déficit post-critique
Les enfants n'ayant aucun des facteurs
de risque ont un risque de récurrence sans traitement
inférieur à 10 % alors qu'avec trois de
ces facteurs, le risque est supérieur à
50 %.
Les conséquences à court
et à long terme des convulsions fébriles
justifient-elles le choix d'une prévention ?
Si oui, faut-il choisir un traitement quotidien sur
une durée prolongée par un anticomitial
ou un traitement au coup par coup par diazépam
lors des épisodes fébriles ?
Le traitement au long cours
Il ne se discute que lors de convulsions
fébriles compliquées. L'usage du phénobarbital
(gardénal) est très controversé
vu les effets cognitifs à long terme de ce traitement.
Le choix du valproate de sodium est
plus courant en Europe. Son efficacité préventive
ne paraît évidente que dans une population
à risque élevé de récidive.
Les échecs révèlent souvent une
maladie épileptique plus sévère
telle que l'épilepsie myoclonique sévère
du nourrisson qui débute par des convulsions
fébriles compliquées.
Le diazépam en cas de fièvre
(valium)
Il est utilisé depuis 20 ans
dans les différents pays d'Europe et au Japon.
Aucun effet dangereux n'a été rapporté
jusqu'à aujourd'hui. En revanche, les douze études
évaluant l'intérêt du diazopam pour
éviter les récidives de convulsions fébriles
sont très contradictoires du fait de nombreux
problèmes méthodologiques : absence de
compliance des patients au traitement, dose souvent
trop faible, mélange de plusieurs formes cliniques
de convulsions fébriles. Seule l'étude
de Kudsen dégage l'idée principale : le
diazépam en prévention des convulsions
fébriles n'est intéressant que chez les
sujets à haut risque de récurrence (>
2 facteurs). Son utilité a aussi été
démontrée chez le sujet épileptique
en cas de fièvre.
Le diazépam doit être
administré par voie orale ou rectale à
la dose de 0,5 mg/kg toutes les douze heures si la fièvre
est supérieure à 38,5 °C, avec un
maximum de quatre doses consécutives. Les antipyrétiques
seuls ne modifient pas la fréquence de récidive
des convulsions fébriles.
Le diazepam en cas de convulsion
fébrile au coup par coup
Son eff1cacité rapide par voie
intra-rectale (2 mn de délai d'action) est reconnue
par toutes les études. La solution injectable
utilisée par voie rectale (0,5/mg/kg) reste la
meilleure solution à recommander en France. Il
existe dans les pays anglo-saxons un gel rectal considéré
comme plus pratique. Les suppositoires de diazépam
ont en revanche un délai d'action beaucoup trop
long, ce qui en limite l'intérêt.
Le clonazépam et le lorazépam
administrés par voie intra-rectale ou jugale
semblent avoir une efficacité supérieure
et une durée d'action plus longue que celles
le diazépam et sont préconisés
chez les patients épileptiques en cas de crises
prolongées. Une étude sur le midazolam
administré par voie nasale a également
montré son intérêt chez le patient
épileptique.
Le pronostic cognitif à long
terme des convulsions fébriles est bon. Le risque
d'épilepsie dans le futur est de 0,5% à
4 % selon les facteurs de risque déjà
signalés. L'étude de Knudsen montre que
le pronostic intellectuel à 12 ans des enfants
traités pour convulsions fébriles par
diazépam au coup par coup lors des crises ou
préventivement en cas de fièvre est le
même.
Conclusion
Le plus important est de bien évaluer
initialement les facteurs de risque de récidive
de convulsions fébriles et d'identifier les convulsions
fébriles dites complexes qui seules justifient
d'un traitement préventif au long cours par Valproate
de Sodium (25 mg/kg/j).
L'usage systématique du diazopam
en cas de fièvre supérieure à 38,5
°C doit être réservé au groupe
à haut risque de récidive.
Dans tous les cas, l'éducation
parentale est fondamentale, car l'usage du diazépam
uniquement au coup par coup en cas de crise est une
alternative tout aussi intéressante.
En prévention si fièvre
> 38,5 °C
- 0,5 mg/kg/12 heures PO ou IR
- intérêt si facteurs
de risque > 2
Au coup par coup, si crise >
5 mn
- 0,5 mg/kg intrarectal
- délai action < 2 mn et
bonne efficacité et tolérance.
Egal en termes de pronostic intellectuel
à long terme des convulsions fébriles.
Tableau ci-dessus : Diazépam
et convulsion fébrile.
Dr I. Desguerre,
Réalités pédiatriques n°64,
octobre 2001
Moyens de lutte contre la
fièvre : les bains tièdes restent-ils
indiqués ?
Bien que la place du
bain tiède dans l'arsenal des moyens utilisés
lorsqu'un enfant a de la fièvre, tend à
diminuer dans les articles médicaux de ces dernières
années,, elle reste importante dans les publications
destinées au grand public. Le réflexe
de donner un bain reste très présent dans
les familles.
Un questionnaire national en 1997 révélait
que plus de 50 % des parents de 1 027 enfants âgés
de zéro à trois ans les baignent en cas
de fièvre. S'opposer à la fièvre
provoque un conflit avec l'organisme qui va activer
ses propres réactions. Nous allons examiner les
protagonistes physiques, physiologiques et psychiques
de cette lutte, évaluer l'intérêt
du bain d'après les neuf études cliniques
parues à ce jour avant de prendre position.
PHYSIQUE : LE BAIN TIRE SON AVANTAGE
D'UN TRANSFERT DE CHALEUR BEAUCOUP PLUS RAPIDE DANS
L'EAU QUE DANS L'AIR
Le transfert de chaleur est la transmission
d'énergie cinétique de molécules
très agitées (corps chaud) à des
molécules moins mobiles (corps froid). Plus celles-ci
sont proches les unes des autres, comme peuvent l'être
celles d'un liquide par rapport à celles d'un
gaz, plus les chocs sont fréquents et plus la
transmission est rapide.
Au cours du bain, ce transfert est
d'autant plus important que l'eau est froide, qu'elle
est agitée, que la surface de peau immergée
est importante, que l'épaisseur de la graisse
sous cutanée est fine. Il peut dépasser
les capacités de défense du corps humain.
Les marins connaissent bien ce danger de l'homme qui
tombe à la mer dont la mort est rapide en eau
froide, moins d'un quart d'heure dans une eau à
2 °C, sans l'utilisation récente de combinaison
de survie particulièrement isolante.
Mais le bain supprime aussi l'évaporation
de la sudation cutanée, autre moyen de refroidissement
très efficace lorsque la production de sueur
est activée, c'est-à-dire lorsque la fièvre
baisse.
Ainsi, un bain donné en même
temps qu'un antipyrétique actif supprime une
capacité spontanée du corps à se
refroidir.
LES RÉACTIONS PHYSIOLOGIQUES
(VASOCONSTRICTION, AUGMENTATION DU MÉTABOLISME)
TÉMOIGNENT DES STRATÉGIES DE DÉFENSE
POUR CONSERVER LA CHALEUR CORPORELLE
Intervention des centres thermorégulateurs
Dès l'immersion, I'information
du refroidissement immédiat de la peau, à
la même température que celle de l'eau,
est transmise aux centres régulateurs. On a longtemps
pensé qu'il existait un seul centre régulateur
polyvalent, situé dans l'hypothalamus antérieur,
en bordure du troisième ventricule. En fait,
il semble exister une succession de centres étagés,
agissant comme des thermostats en parallèle avec
entrée et sortie indépendante. Chacun
compare les informations de température avec
la valeur de référence et réagit
en conséquence. Chaque centre contrôle
celui qui est sous-jacent. Au sommet, le centre hypothalamique
coordonne l'ensemble de la chaîne.
Ces centres sont spécialisés.
Certains augmentent la vasoconstriction périphérique
et le métabolisme par l'intermédiaire
du système sympathique [8] et déclenchent
des frissons. Les autres agissent sur le psychisme et
organisent la réaction comportementale.
Vasoconstriction périphérique
La vasoconstriction périphérique
diminue l'irrigation des extrémités et
de la surface du corps. Elle réduit le refroidissement
de ces tissus qui sont des lieux de stockage important
de chaleur. La vasoconstriction diminue la vascularisation
des extrémités en ouvrant les shunts artério-veineux
des zones exposées (mains, pieds, nez, lèvres,
oreilles). Dans ces conditions, chez des sujets non
fébriles, au bout des doigts, dans l'air, la
température de la peau baisse alors de 8 °C
et les pertes de chaleur sont diminuées de 50
% . Dans les membres, le sang veineux de retour est
orienté préférentiellement en profondeur
au contact de l'artère, et recueille, à
contre courant, la chaleur artérielle. Les pertes
de chaleur sont alors diminuées de 40 %. A l'échelle
du corps entier la diminution des pertes est estimée
à 25 %. Ces estimations pourraient être
majorées en cas de fièvre.
La vasoconstriction permet d'éviter
d'augmenter le métabolisme dans certains cas
: au début d'une fièvre, certains sujets
augmentent leur température avant l'accélération
de leur métabolisme, c'est-à-dire par
simple diminution des pertes de chaleur. Chez certains
enfants fébriles, le métabolisme basal
est diminué par rapport à l'état
apyrétique; le maintien d'une température
plus élevée n'est possible que par une
diminution des pertes périphériques de
chaleur.
Au cours du bain d'un enfant fébrile
(40 °C) sans frisson, la vasoconstriction contribue
à garder une température stable au cours
d'un bain frais.
L'augmentation du métabolisme
et les frissons
Au cours de la fièvre, le métabolisme
de base, calculé d'après la consommation
d'oxygène et le rejet de gaz carbonique n'est
pas toujours augmenté. Il est légèrement
diminué chez des enfants de un à six ans
atteints de rougeole, augmenté de 7 % par degré
de fièvre chez des enfants impaludés de
six à 15 ans, et variable chez des enfants de
un à six mois avec des écarts importants
(- 41 % à + 43 %) indépendants de l'âge
et de l'importance de la fièvre. Ce métabolisme
peut-il être augmenté lors d'un refroidissement
externe ? Il s'accroît de 30 % chez un adulte
modérément fébrile lorsqu'il est
refroidi par voie externe ou lorsqu'il est exposé
à un air amblant de moins de 20 °C .
Les frissons sont la principale cause
de cette augmentation. Ces contractions musculaires
cloniques, autour de la position d'équilibre,
sans travail mécanique, génère
de la chaleur, ce qui est quelque peu paradoxal quand
on tente de refroidir le corps ! Une autre source de
chaleur métabolique peut s'activer en cas de
refroidissement important, lors d'un écart d'au
moins 0,5 °C entre la température centrale
et sa valeur de référence. La dégradation
de la graisse brune permet aux mitochondries qu'elle
contient, en nombre particulièrement élevé
et spécifiquement adaptées, de transformer
l'ATP en chaleur. Présente chez le nouveau-né,
sa masse diminue avec l'âge, jusqu'à quelques
dizaines de grammes chez l'adulte. Elle engaine des
gros vaisseaux qui emporte la chaleur produite.
LA RÉACTION PSYCHIQUE D'INCONFORT
La perception de la température
a deux composantes, I'une discriminative (ceci est plus
chaud que cela), I'autre subjective (agréable
ou désagréable). Le psychisme a la faculté
de moduler et même d'inverser complètement
la perception subjective. Une même température
peut être vécue très agréablement
ou très désagréablement en fonction
des intérêts de l'organisme. Tout ce qui
concourt à rapprocher la température de
l'organisme de sa valeur de référence
est jugé agréable (s'habiller quand on
a froid). Tout ce qui l'en écarte est vécu
désagréablement (s'habiller quand on a
chaud). Au cours de la fièvre, la température
de référence est élevée.
Toutes les situations qui vont tendre à l'abaisser,
bain frais par exemple, vont être désagréables.
Ceci est d'autant plus évident lorsque la fièvre
augmente. L'enfant, même à 39 °C, se
plaint d'avoir froid, se pelotonne sous sa couette,
calfeutrant chaque orifice pour s'isoler de la température
ambiante. Rappelez vous le discours bouleversé
de certains parents qui ont rapidement écourté
un bain devant les hurlements de leur enfant !
COMMENT S'ORGANISE LA RIPOSTE DE
L'ENFANT FÉBRILE À L'IMMERSION DANS UN
BAIN FRAIS ?
Les messages thermiques en provenance
de la peau n'ont pas le même impact dans le déclenchement
des différentes réactions de l'organisme.
Pour l'activation de la vasoconstriction, du métabolisme
et des frissons, ils interviennent modestement pour
20 à 36 %. Ces manifestations sont surtout sous
la dépendance des températures internes.
Par contre, ils contribuent à égalité
avec les signaux de températures internes pour
la modulation psychique du confort thermique. Cette
relative importance ainsi conférée aux
signaux émanant de la peau, en rapport avec sa
situation de première ligne d'alerte et de défense
contre les pertes de chaleur, va lui permettre de générer
d'abord une première réaction d'alerte
par l'émergence d'un sentiment d'inconfort, lui-même
à l'origine de comportements de défense
et d'opposition (gémissements, pleurs), avant
de mobiliser des mécanismes d'adaptation plus
lourds et plus durables.
ÉTUDES CLINIQUES
Neuf études cliniques, concernant
818 enfants âgés de quatre mois à
cinq ans et demi, ont tenté d'évaluer
l'intérêt antipyrétique du mouillage
à l'eau tiède. Une éponge est constamment
essorée sur tout le corps de l'enfant pour qu'il
soit mouillé en permanence par une fine couche
d'eau tiède. Les échanges de température
sont équivalents à ceux du bain. Deux
groupes sont notamment comparés : bain avec antipyrétique
versus antipyrétique seul. L'évolutivité
naturelle de la fièvre est responsable de certaines
incohérences lors de l'analyse détaillée
des résultats. On peut toutefois dégager
quatre convergences : pendant le bain, la décroissance
est d'autant plus rapide que l'eau est froide. L'association
bain + antipyrétique est légèrement
plus efficace que le traitement antipyrétique
seul : les 201 enfants baignés selon des protocoles
similaires ont une défervescence au bout de 20
à 30 minutes supérieure de 0,3 °C
en moyenne à ceux qui ne l'ont pas été;
lorsque le bain est prolongé, il a un avantage
discutable, soit léger [25, 28, 30, 33], soit
nul [26, 27, 31, 32]. À distance du bain, le
traitement antipyrétique est toujours plus efficace.
L'inconfort, parfois important, est toujours supérieur
dans le groupe bain.
Un bain prolongé dont l'eau
est de 4 °C inférieure à la température
rectale, peut être inefficace. Il corrobore certains
témoignages analogues de parents.
LES BAINS TIÈDES RESTENT-ILS
INDIQUÉS COMME MOYEN DE LUTTE CONTRE LA FIÈVRE
?
En dehors de la question de la légitimité
de faire, baisser la fièvre, qui ne rentre pas
dans le cadre de cet article, trois aspects sont à
discuter : Le bain est souvent donné en même
temps qu'une prise d'antipyrétique. Quel est
l'intérêt d'une telle procédure,
la plus fréquemment utilisée lorsque des
parents découvrent la fièvre élevée
de leur enfant ? Le bain entraîne une défervescence
légèrement plus précoce et plus
importante que la prise d'antipyrétique. Certes,
la pharmacocinétique des antipyrétiques
explique le délai d'une trentaine de minutes
environ après absorption pour que leur action
devienne maximum. Mais quel est l'intérêt
d'accélérer la baisse de la fièvre
lorsqu'elle est amorcée par le traitement antipyrétique
? Le confort est tributaire de la relative similitude
entre la température corporelle et la température
de référence. Si les deux baissent en
même temps, I'enfant ne ressent pas d'inconfort.
Si un certain écart apparaît, la perception
devient désagréable. Les antipyrétiques
agissent sur la température de référence
alors que le bain diminue la température corporelle.
Ainsi, pour garder une perception agréable, il
faut que la décroissance de la température
corporelle accompagne, sans la devancer, I'action fébrifuge
des antipyrétiques. Ceci enlève beaucoup
d'intérêt à l'action vigoureuse
du bain.
La puissance de refroidissement
du bain est-elle fonction de l'âge ?
Il n'existe aucune mesure avant l'âge
de quatre mois. Certes, la surface cutanée des
plus jeunes enfants est relativement plus grande que
celle des plus âgés par rapport à
leur volume. Mais ce facteur ne semble pas prépondérant.
Steele et al trouvent que l'action du bain est plus
rapide chez les plus jeunes enfants mais Mahar et al.
ne retrouvent pas cette différence.
L'intérêt du bain pourrait-il
bénéficier de certaines déficiences
des traitements antipyrétiques ?
Des parents nous rapportent quelquefois
la résistance de fièvre élevée
à un antipyrétique donné à
dose correcte. Certes, une cytokine de macrophage a
été isolée, responsable de fièvre
sans activation de la synthèse de prostaglandines,
donc insensible à l'action de l'ibuprofène
et des salycilés qui agissent à ce niveau.
Toutefois, I'adjonction d'un deuxième antithermique,
la constance de la défervescence au cours des
études d'efficacité des différents
antithermiques, plaident pour la suprématie sans
partage de la pharmacologie.
CONCLUSION
Donner un bain tiède pour faire
baisser la fièvre d'un enfant peut être
une agression de son organisme dont les réactions
vont limiter l'importance du refroidissement, en particulier
par une sensation d'inconfort d'autant plus marquée
que ce refroidissement est actif. Dans les situations
de routine où prime le bien-être de l'enfant,
le bain, d'efficacité bien modeste et limitée,
n'apporte pas d'intérêt supplémentaire
à l'administration d'un médicament antipyrétique
pour faire baisser la fièvre.
*GPSR : Groupement
des Pédiatres Strasbourgeois exerçant la Réanimation
Unité de Néo-Natalogie - Clinique Sainte Anne